LA ROQUE D’ANTHÉRON 1

Le festival international de piano s’est ouvert le 22 juillet à La-Roque d’Anthéron, village du Luberon devenu célèbre par ce festival qui a atteint une renommée internationale. Créé en 1980 par René Martin, il se déroule dans plusieurs endroits du voisinage (Lourmarin, Lambesc, Cucuron, Aix-en-Provence etc…) mais l’essentiel des concerts a lieu à La-Roque, dans le parc du château de Florans, aménagé à cet effet. Le lieu est magique. Des platanes et des séquoias centenaires. L’estrade et sa coque qui permet une acoustique de grande qualité, sont sur un petit plan d’eau. Les concerts commencent à 21h30 car les cigales sont encore actives à cette heure de l’été. J’ai prévu d’y assister pendant une dizaine de jours et vous ferai part des concerts auxquels j’ai pu être présente.

Ici je vous parlerai de trois concerts nocturnes auxquels j’ai assisté trois jours de suite, avec trois pianistes russes très talentueux mais assez différents.

Boris Vadimovitch Berezovski est un né en 1969 à Moscou. Il étudie au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou. En 1988, il fait ses débuts au Wigmore Hall à Londres où il est remarqué pour sa virtuosité. Deux ans plus tard il remporte en 1990 la médaille d’or du prestigieux Concours international Tchaïkovski à Moscou. Cet artiste se produit aujourd’hui dans le monde entier (Etats-Unis, Japon, Europe), et régulièrement en France en récital à Paris à l’Auditorium du Louvre ainsi qu’au Théâtre des Champs-Élysées, aux folles journées de Nantes et à La-Roque d’Anthéron. Il s’est souvent produit avec Brigitte Engerer avec laquelle il a créé, avant la disparition prématurée de cette dernière, la pièce pour deux pianos Porgy Stride de Christian Lauda. Sa discographie est très abondante. Il est un interprète privilégié de Rachmaninov, Chopin et Leopold Godowsky. Il joue également du jazz avec le trio qu’il a créé, lui au piano, Dmitri Makhtin au violon et Alexandre Kniazev au violoncelle.

Dans son récital il a joué les Douze Études d’exécution transcendante de Franz Liszt avec un virtuosité éblouissante. Ces pièces sont réputées pour leur difficulté diabolique. Concert brillant où par la nécessité de l’œuvre, la virtuosité prend le pas sur l’émotion.

Grigory Sokolov est né à Saint-Pétersbourg en 1950. Il entreprend l’étude du piano à l’âge de 5 ans et se révèle rapidement par ses dons extraordinaires. À l’âge de 7 ans il est admis au Conservatoire de Leningrad, dans la classe de Leah Zelikhman. A 16 ans il remporte le Premier Prix du Concours international Tchaïkovski, à l’unanimité du jury. Sa renommée et son activité sont, naturellement, internationales, des États-Unis au Japon, mais en Europe surtout. Son répertoire est très étendu passant de Bach à Chopin, à Schönberg ou Scriabine. Le réalisateur Bruno Monsaingeon lui a consacré un documentaire en 2002 à l’occasion d’un récital au Théâtre des Champs Élysées.

Son programme, au Grand Théâtre de Provence à Aix-en-Provence (il n’a jamais joué en plein air), comportait du Schumann en première partie avec Arabesque en ut majeur opus 18 et la Fantaisie en ut majeur opus 17. La seconde partie a été consacrée à Chopin, deux Nocturnes opus 32 et la Sonate n. 2 en si bémol mineur dite « Funèbre ». Merveilleux Sokolov ! Il est pour moi le génie absolu, un des interprètes qui me fait totalement entrer dans la musique au point d’en avoir parfois les larmes aux yeux. Il est La Musique. Sa vigueur, la douceur de son toucher, sa générosité, son amour de la musique sont communicatifs. Petit bonhomme à la Folon, toujours la même allure avec sa redingote queue de pie, qui n’hésite pas à venir, revenir, revenir encore à la demande du public (7 rappels !) tant il aime partager cet amour qui l’anime. Si vous en avez l’occasion, allez l’écouter. Mais il y a aussi d’excellents CD dont certains ont été enregistrés en live (Festival de Salzbourg, 2008), ou un double album en 2016 Schubert/Beethoven.

Dmitry Masleev est né en 1988 à Oulan-Oude en Sibérie. Il est élève et diplômé du Conservatoire de Moscou. Il a obtenu plusieurs concours dont le Concours international de piano de Gaillard (2010), le Prix Chopin de Rome (2011) et surtout le premier prix du prestigieux Concours international Tchaïkovsky en 2015. Il a une carrière internationale, se produisant dans toutes les grandes capitales mondiales. Il a été interne à l’Académie internationale de piano du Lac de Côme.

Le programme de son concert a été abondant et varié : il a commencé par la Partita n.1 en si bémol majeur de J.S. Bach, puis la Sonate n. 2 en sol mineur de Schumann ; puis des transcriptions pour piano Schubert/Liszt et un extrait des Douze Études d’exécution transcendante de Liszt, en première partie. La seconde partie a été consacrée à 4 des 18 Pièces opus 72 de Tchaïkovsky, à la sonate en la mineur de N. Medtner et à la danse macabre de Saint-Saëns/Horowitz. Une allure de premier communiant, un visage d’enfant mais une vigueur dans son jeu brillant à la technique impeccable. Son style souple et spontané manifeste un vrai talent. Il nous a enchantés et il a accueilli les compliments du public qui s’est rassemblé spontanément autour de lui à la fin du concert, alors qu’il n’a encore aucun CD à vendre, avec un air d’étonnement et de modestie très touchant et prometteur pour une carrière qui s’annonce sous les meilleurs promesses.

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