JUSTE LA FIN DU MONDE

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Auteur : Xavier Dolan nait à Montréal en 1989. Il commence très tôt une carrière d’acteur, dans un long métrage J’en suis (1997), dans La forteresse suspendue (2001) puis dans Suzie (2009). Il réalise son premier long métrage en 2009 : J’ai tué ma mère, présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. En 2010, Les amours imaginaires (Cannes Un certain regard). Puis Laurence Anyways en 2012, (Cannes Un certain regard). En 2014 son film Tom à la ferme, remporte le prix Fipresci au festival de Venise, et Mommy, présenté en sélection officielle au festival de Cannes 2014, remporte le Prix du Jury, ex-æquo avec Jean-Luc Godard. Juste la fin du monde remporte le Grand Prix du Jury de Cannes 2016 et le Prix du jury œcuménique.

Résumé : Louis est un intellectuel de 34 ans, fin, distingué, écrivain réputé, homosexuel. Après douze années d’absence il revient dans sa famille pour lui annoncer sa mort prochaine. Il se trouve face à une ambiance lourde et électrique. Ils ne pourront ni ne voudront l’entendre.

Analyse : Ce film est adapté de la pièce de Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, qu’il a écrite en 1990 alors qu’il était atteint du sida ; il en mourra en 1995. C’est la seconde fois que Dolan réalise un film à partir d’un texte qui n’est pas de lui (la première étant Tom à la ferme). Mais ce texte semble avoir été écrit pour lui. Il n’est donc pas étonnant que Dolan l’ait choisi pour son film, même s’il en a fait une adaptation assez libre. On y retrouve en effet ses thèmes favoris : l’incommunicabilité entre les êtres, la place du fils dans la famille. Nous sommes ici face à un huit clos familial terrifiant où chacun porte sa part de névrose, de violence et de blessures cachées. Un moment où toutes les rancœurs trop souvent tues, toutes les jalousies, toutes les frustrations, toutes les hystéries, mais aussi toutes les tendresses explosent, et le jeune Dolan s’en empare avec gourmandise et virtuosité.

Étant parti d’une pièce de théâtre le réalisateur ne fuit pas le genre théâtral. Mis à part une scène violente en voiture entre les deux frères, où nous ne quittons d’ailleurs pas l’habitacle du véhicule, le film est un huit clos d’une heure trente. Mais ce n’est pas pour autant du théâtre filmé, ce que ses détracteurs ont dit trop volontiers. Une gamme chromatique dont il a le secret, les gros plans sur les visages, en particulier sur celui de Louis, qui rendent la parole inutile et révèlent l’indicible, l’échange des regards et les longs silences donnent au film une intensité que seul le cinéma peut nous procurer. Sans que pour autant les disputes familiales soient en demie teinte ! Au contraire, on crie volontiers dans cette famille, on ne s’épargne pas, on s’étripe presque et on se fait beaucoup de mal à force d’invectives et de vociférations.

Dans cette folie familiale, le personnage de Louis, dans lequel sans doute Dolan se reconnaît un peu, est tout en finesse, silence et clair obscur ; ses états d’âme passent par les expressions de son beau visage face à un frère, psychopathe violent et ordurier, une sœur mal dans sa peau, qui se cherche et a sa part d’hystérie, une mère, maquillée à outrance, sous une perruque noir de jais et qui cache mal ses blessures derrière une faconde et une vivacité parfois inquiétantes. Dans cette galerie de portraits la belle-sœur, Catherine, souffre-douleur de son mari, incarnée par Marion Cotillard dans un registre nouveau pour elle, que tout le monde prend pour une idiote, qui bégaye presque mais qui finalement sera la seule à tout comprendre. Quel tableau humain que Dolan dresse et scrute au scalpel avec le talent qu’on lui connaît ! La tension psychologique est poussée à l’extrême grâce à un montage serré, à des jeux de lumière éclatants dus à l’expérience de son directeur photo André Turpin, et à la musique envoûtante de Gabriel Yared. Avec cette équipe Dolan nous offre un film magnifique, bouleversant, dépouillé, où le silence fait plus sens que les paroles, d’une grande intensité dramatique, digne du talent qu’on lui connaît.

1 Comments

  1. Marie-Jeanne, je suis totalement en phase avec ton analyse. J’aimerais en plus souligner la qualité de l’image et la façon très personnelle de filmer de Dolan (très gros plans sur les mains, les visages, les regards et sur ce que regarde les personnages). Dès le générique, nous avons le sentiment d’être physiquement présent au beau milieu de ces retrouvailles familiales.
    Un très beau film à la fois tendre et violent. A voir sur grand écran !

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