LA ROQUE D’ANTHÉRON 1

Le festival international de piano s’est ouvert le 21 juillet à La Roque d’Anthéron, village du Luberon devenu célèbre par ce festival qui a atteint une renommée internationale. Créé en 1980 par René Martin, il se déroule dans plusieurs endroits du voisinage (Lourmarin, Lambesc, Cucuron, Aix-en-Provence etc…) mais l’essentiel des concerts a lieu à La Roque, dans le parc du château de Florans, aménagé à cet effet. Le lieu est magique. Des platanes et des séquoias centenaires. L’estrade et sa coque qui permet une acoustique de grande qualité, sont sur un petit plan d’eau. En juillet les concerts commencent à 21h30 car les cigales sont moins actives à cette heure de l’été.

Je voudrais vous parler de deux concerts nocturnes auxquels j’ai assisté deux jours de suite, avec deux pianistes très talentueux mais assez différents.

Boris Vadimovitch Berezovsky est un né en 1969 à Moscou. Il étudie au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou. En 1988, il fait ses débuts au Wigmore Hall à Londres où il est remarqué pour sa virtuosité. Deux ans plus tard il remporte en 1990 la médaille d’or du prestigieux Concours international Tchaïkovski à Moscou. Cet artiste se produit aujourd’hui dans le monde entier (États-Unis, Japon, Europe), et régulièrement en France en récital à Paris à l’Auditorium du Louvre ainsi qu’au Théâtre des Champs-Élysées, aux folles journées de Nantes et à La Roque d’Anthéron. Il s’est souvent produit avec Brigitte Engerer avec laquelle il a créé, avant la disparition prématurée de cette dernière, la pièce pour deux pianos Porgy Stride de Christian Lauda. Sa discographie est très abondante. Il est un interprète privilégié de Rachmaninov, Chopin et Leopold Godowsky. Il joue également du jazz avec le trio qu’il a créé, lui au piano, Dmitri Makhtin au violon et Alexandre Kniazev au violoncelle. À paraître prochainement chez Mirare, un enregistrement de concertos de Mozart, Stravinsky (Concerto pour piano et orchestre à vent) et Brahms (1er concert) avec l’Orchestre Symphonique d’État de Russie « Evgeny Svetlanov ».

Au programme, en première partie, le Concerto pour piano et orchestre n. 2 en ut mineur opus 18 de Rachmaninov avec la formation du Philharmonie Zuidnederland, dirigé par Dmitri Liss, avec Lei Wang premier violon. Concerto bien connu que Berezovsky a interprété avec sa virtuosité habituelle qui n’exclut ni la finesse ni l’émotion. C’est ce qui fait sa réputation. La direction de Dmitri Liss était magistrale. Ce chef d’orchestre, qui a déjà été présent à La Roque, a été à ses débuts, en 1991, le plus jeune chef titulaire de Russie. Salué comme l’un des meilleurs chefs de sa génération, il est régulièrement invité à diriger des orchestres russes mais également des formations internationales comme l’Orchestre National de France, le Tokyo Metropolitan Symphonie Orchestra ou l’Orchestre National de Belgique. Il dirige la Philharmonie Zuidnederland pour trois ans depuis septembre 2016. Il a enregistré plusieurs œuvres de Tchaïkovsky, de Rachmaninov et Shéhérazade de Rimsky-Korsakov qui était au programme de la deuxième partie du concert (suite symphonique opus 35). Sa direction, d’une œuvre connue et que l’on a toujours plaisir à réécouter est vigoureuse, dynamique et subtile. Un vrai plaisir.

Dans cette deuxième partie de concert il n’y a pas de piano. Je trouve un peu frustrant d’avoir le pianiste vedette uniquement en première partie, même si le plaisir de la musique était présent pendant toute la durée du concert.

Evgeny Kissin (Ievgueni Igorevitch Kissine) est né à Moscou en 1971, et naturalisé anglais depuis 2002. Il est considéré à l’heure actuelle comme l’un des plus drands pianistes de notre temps. À 6 ans il intègre l’École de Musique Gnessine de Moscou où il reçoit l’enseignement d’Anna Pavlovna Kantor. À 12 ans il interprète les concertos de Chopin avec l’Orchestre Philarmonique de Moscou sous la direction de Dmitri Kitaenko. Très rapidement il a eu ensuite une carrière internationale États-Unis, Allemagne, Grande Bretagne, Japon, France, Pays-Bas, sous la direction des chefs les plus prestigieux, Claudio Abbado, Daniel Barenboim, James Levine, Seiji Ozawa, Zubin Mehta, Lawrence Forster. Il a également reçu de nombreux prix, notamment le Cristal d’Osaka, le Prix Chostakovitch et le prix Herbert Karajan. Un documentaire de Christopher Nuppen lui a été consacré (The Gift for Music). Il a composé, en 2016 un quatuor pour cordes, interprété en juillet 2017 par le Quatuor Modigliani.

Dans la première partie du concert il a interprété la sonate n. 19 en si bémol majeur, opus 106 de Beethoven, dite « Hammerclavier ». Je n’ai jamais entendu cette sonate interprétée comme l’a fait Kissin, avec une technique parfaite qui laisse place à la sensibilité et à l’émotion, avec une virtuosité digne de son talent maintenant bien connu.

La seconde partie était consacrée à Rachmaninov, d’abord le Prélude en ut dièse mineur, opus 3 n. 2, puis des extraits des Préludes opus 3 et opus 32. Un vrai régal. Quand un russe rencontre un autre russe ! Ne ratez pas ce pianiste si vous en avez l’occasion.

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