FELIX ET MEIRA

Auteur : Maxime Giroux est un réalisateur québécois, né en 1976 à Montréal. Il a réalisé des courts métrages, des vidéos, des clips et des spots publicitaires. En 2006 il réalise un court métrage, Les Jours, qui remporte le prix du meilleur court-métrage au Festival international de Toronto. En 2008 il réalise son premier long métrage, Demain, puis en 2010, Jo pour Jonathan, présenté au Festival de Locarno. En 2014 il présente Félix et Meira au Festival international du film à Toronto où il remporte le prix du meilleur film canadien.

Résumé : Meira est une mère de famille qui vit dans le milieu très strict et fermé des juifs hassidiques de Montréal. Elle y étouffe. La vie lui fait rencontrer dans son quartier Félix, quadragénaire, héritier insouciant qui ne sait comment dilapider son héritage. Une improbable histoire d’amour nait entre eux que tout sépare, sauf leur volonté de vivre leur vie.

Analyse : On trouve dans ce film tous les ingrédients de la mauvaise comédie : la bonne mère de famille, l’adultère, l’amour impossible, la ballade en gondole à Venise … Et pourtant ! Maxime Giroux a évité tous les pièges du genre et nous présente une œuvre d’une pudeur, d’une délicatesse et d’une subtilité qui nous la rendent très attachante. Meira vit entre sa petite fille et son mari. Banal. Oui mais là nous sommes dans le cadre de la communauté hassidique juive à Montréal avec ses rites, ses rituels, ses exigences, sa rigidité et son terrible enfermement. Sans complaisance ni caricature Maxime Giroux nous montre la vie quotidienne de cette femme qui n’existe qu’en tant que mère reproductrice auprès d’un mari très religieux, peu sympathique, et qui semble plus préoccupé par les règles de sa religion que par l’épanouissement de ceux qui l’entourent. Et de fait Meira étouffe littéralement dans ce milieu. Avec une délicate lenteur le réalisateur nous montre l’éclosion progressive de cette fleur. Certes elle s’acquitte docilement, sans aucune réticence de ses devoirs de mère et d’épouse, mais sous un masque de soumission les signes de sa révolte nous apparaissent progressivement. On découvre qu’elle prend la pilule en cachette. Toujours en cachette elle écoute de la musique, elle dessine. Ses regards et ses soupirs nous en disent long sur son état d’âme. Et là il faut saluer l’excellente interprétation de Hadas Yaron toute en nuances et subtilité et tellement juste dans son personnage. Et puis en promenant sa fille dans le quartier, ce quartier multiculturel de Mile End à Montréal, elle rencontre Félix, incarné par Martin Dubreuil, avec sa tête de clown triste, qui vit une vie sans grand intérêt et qui n’a pas une grande consistance. Lui la remarque parce qu’elle dessine, ce qui semble être pour lui un violon d’Ingres. Les débuts sont difficiles car elle est tellement engluée dans les carcans de son milieu que malgré sa volonté secrète, elle fuit. Et puis, arrive ce qu’on n’aurait pas pu imaginer dans la vraie vie. Et toujours avec la même pudeur, la même subtilité, le même tact, le réalisateur nous fait vivre cette relation. Pas d’envolées lyriques, pas de grandes déclarations, pas de sentimentalisme mais dans la subtile lumière diaphane de l’hiver canadien on les voit dans de longues promenades romantiques et le grand moment d’intimité entre eux consiste pour lui à lui retirer sa perruque, tout un symbole !

Ce film n’est pas qu’une simple histoire d’amour. Il pose bien plus de problèmes.

D’abord le problème du communautarisme et de l’intégrisme religieux. Dans ce carcan terrible de la religion les interdits dominent. Et sans complaisance caricaturale Maxime Giroux nous montre les travers et les excès de ces milieux. Tout en les nuançant car à la fin du film, ce mari si antipathique devient humain dans sa douleur et se met à écouter de la musique pour essayer de comprendre sa femme.

Ensuite la position de la femme dans ces milieux, confinée à un rôle domestique et de reproductrice que la plupart des femmes entourant Meira acceptent et véhiculent.

Enfin et surtout la difficulté qu’il y a à construire sur des ruines. Après des hésitations compréhensibles Meira franchit le pas. Mais d’abord, elle ne quitte pas sa perruque, ce qui est symptomatique. Ensuite, cette promenade amoureuse dans une gondole vénitienne, est tout bonnement sinistre. Un minimum de mots échangés, pratiquement pas de sourires et on se dit que l’avenir de ces deux là est bien sombre, ce qui est symbolisé par la dernière image du film, où l’on voit la proue de la gondole s’enfoncer dans la nuit.

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