ANTON TCHEKOV

ANTON TCHEKOVAuteur : Après des études de cinéma, René Féret est interné dans un hôpital psychiatrique à la suite du décès de son père. De cette expérience douloureuse il tire un premier long métrage, l’Histoire de Paul, qui remporte le prix Vigo en 1975. Sa filmographie comporte une vingtaine de films qui sont, pour la plupart des films intimistes autobiographiques et familiaux. Avec ce film il revient aux films en costumes, genre auquel il s’est adonné à quelques reprises avec notamment Le mystère Alexina (1985), Nanneri La sœur de Mozart (2010) ou Madame Solario (2012).

Résumé : Le cinéaste a choisi de raconter une tranche de la vie d’Anton Tchékhov, entre les années 1885 et 1890, lorsqu’il commence à être l’illustre Tchekhov jusqu’à son voyage au bagne des îles Sakhaline, à l’autre bout de l’Empire russe, d’où il ramènera des récits de voyage qui vont bouleverser le public.

Analyse : S’il fallait caractériser le film de René Féret on dirait que c’est une œuvre pleine de délicatesse, de sensibilité, de retenue, à l’image d’Anton Tchékhov.

Ces qualificatifs pourraient être attribués à Féret lui-même, cinéaste discret et modeste. Ici c’est le processus créatif qui est mis en scène. Tchékhov est un médecin avant tout, qui s’est dévoué à son métier et à faire vivre sa famille, sans conscience de son talent, et qui écrit des nouvelles dans un but uniquement alimentaire. C’est un être tout en simplicité qui au sein de cette famille nombreuse fait figure de pilier moral. Il est timide, intelligent mais d’une grande fragilité. Sa vie amoureuse est d’ailleurs près de l’encéphalogramme plat. Féret nous montre bien, sans effets inutiles, avec une caméra, certes classique, mais sobre, légère et dépouillée, soucieuse du détail, comment la création littéraire anime ce personnage et est, chez lui, un labeur au quotidien, accompli par l’observation attentive qu’il a des êtres qui l’entourent, mais en toute discrétion. Personnage attachant, plein d’humanité et de compassion, mais peu aimant pour les femmes, cédant mais pas vraiment à l‘amour que lui offre une femme mariée, tombée amoureuse de lui rien qu’à la lecture de ses nouvelles, la sensuelle Lika.

Féret ne traite que par allusion des pièces de Tchékhov, laissant au spectateur le soin de deviner celles qu’il voit créer. Au cours d’une répétition de « La Mouette », Tchékhov explique aux acteurs qui surjouent « Il faut rendre les souffrances telles qu’elles s’expriment dans la vie, avec une intonation simple, un regard, pas de gestes mais de la grâce ». Aucune affectation donc dans ce personnage, comme dans le film qui le décrit. Nicolas Giraud dans le rôle titre, au jeu tout en nuances, y déploie des trésors de subtilité. L’ensemble du film, qui n’hésite pas non plus à nous montrer des moments joyeux, pleins d’humour ou de tendresse, arrive bien à restituer, et c’est sa réussite, le parcours d’un créateur qui s’est nourri de son vécu pour forger ses fictions, préférant l’ombre à la lumière, dans des scènes séquences de clair obscur, des atmosphères chaudes et intimes qui rendent l’ensemble très … tchékhovien.

Laisser un commentaire