KAILI BLUES

Kaili_BluesAuteur : Bi Gan est un jeune réalisateur et poète chinois, né en 1989 à Kaili, dans la province de Guizhou. En 2013 son film Diamond Sutra reçoit une mention spéciale du jury dans la catégorie Asian New Force durant la 19ème édition du Festival IFVA  (incubateur de films et médias audiovisuels d’Asie à Hong-Kong). Kaili Blues est son premier long-métrage de fiction pour lequel il a déjà raflé un certain nombre de récompenses : prix du meilleur réalisateur émergent au Festival de Locarno 2015 et lors des Golden Horses de Taiwan, Montgolfière d’or au Festival des 3 Continents à Nantes.

Résumé : Chen est médecin dans une petite clinique de Kaili, dans la province subtropicale de Guizhou. Il a perdu sa femme et aimerait s’occuper de son neveu que son frère a vendu. Il décide de partir à sa recherche. Sa collègue, une vieille dame, lui demande d’apporter une vieille photo, une chemise et une cassette à son ancien compagnon, gravement malade. En cours de route, Chen passe par le village de Dangmai. Il s’y arrête et vit son présent, son passé, son futur …

Analyse : Si vous aimez la poésie, si le cinéma est pour vous une petite lanterne magique qui vous fait voyager dans l’espace et dans le temps avec grâce et légèreté, alors allez voir Kaili Blues. Ce film est une sorte d’ovni inclassable mais qui révèle une grande habileté et un talent très prometteur chez ce jeune homme de 27 ans.

Dès le début du film on sait que le surréel va primer le réel : le générique défile sur un écran de télévision posé sur une table et est lu par un des protagoniste. Et tout au long du film, ponctué par une voix off qui récite les poèmes du réalisateur, le souvenir, le passé, le présent et le rêve se mêlent au quotidien. Sans pour autant créer un univers abscons et précieux. Bien au contraire, tout semble simple car on passe sans discontinuité et avec souplesse d’une époque à une autre. Car le temps est un thème présent et majeur dans le film. Une horloge dessinée au mur qui, avec l’ombre du clou planté en son milieu, semble fonctionner, les montres non molles à la Dali, mais parfois cassées et le vieil horloger dans son camion plein de machines à ponctuer le temps.

Le temps encore dans un long plan séquence d’une quarantaine de minutes absolument extraordinaire, d’une grande virtuosité et rare dans l’histoire du cinéma. Comme en lévitation poétique on suit Chen dans les ruelles du village, on descend les montagnes, on traverse les fleuves ; on franchit le passé, lorsque lors d’une séance chez la coiffeuse (réincarnation de sa femme morte ?), on apprend pourquoi Chen était absent à la mort de cette femme ; on vole dans le futur lorsqu’il rencontre son neveu devenu jeune homme. Le réel est donc abordé par un poète qui nous le fait voir différemment et nous invite à l’onirisme.

Les influences de plusieurs réalisateurs se font sentir. On ne peut pas ne pas penser en particulier à Hou Hsiao-hsien dans les déplacements à moto, longuement filmés et dont la durée évoque Goodbye South Goodbye. Le pont entre les deux cinéastes se fait d’ailleurs via Lim Giong qui a signé la musique des deux films. La douceur de la narration de Bi Gan ne fait pas oublier la dureté de la réalité, la violence où le père peut vendre son fils. Ici point de soie ni de palais mais des rues défoncées, des bicoques précaires, des murs de pisé noircis. Mais la vie n’est pas pitoyable pour autant. Paradoxalement on est emportés dans cette aventure à la fois sentimentale et fantastique qui nous entraine dans un réalisme rêveur à l’image de ce train lancé à pleine vitesse projeté sur la vitre de la fenêtre de la demeure de Chen.

2 Comments

  1. Bravo Marie tu sais communiquer ta passion Même sans être dans la salle de projection je vie le scénario et de plus bravo pour ton beau logo

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