Festival de Cannes le 16 mai 2016

  • Loving de Jeff Nichols. Ce réalisateur nous avait habitué à des films plus originaux et plein de fantaisie, que ce soit Take Shelter, Mud ou récemment, Midnight Special. Avec Loving il nous présente une œuvre très classique, tant dans sa facture que dans son sujet. Le réalisateur ajoute une pierre à la longue et douloureuse histoire de la ségrégation aux États Unis. Il s’inspire d’un fait réel, assez peu connu. Nous sommes à la fin des années 50. Milord et Richard s’aiment ; elle est enceinte et, tout naturellement, ils décident de se marier. Mais le problème est qu’il est blanc et qu’elle est noire. Or, dans l’État de Virginie de l’époque c’est interdit et ils risquent la prison, à laquelle ils sont condamnés s’ils ne s’exilent pas. Avec l’aide d’avocats et d’associations ils iront jusqu’à la Cour suprême qui en 1967 casse l’arrêt de la Cour de Virginie et permet donc les mariages mixtes. C’est le début de l’évolution de la législation des États-Unis sur ce point. Même si la réalisation est très classique, le sujet est remarquablement traité, avec finesse et suffisamment de distance pour susciter l’émotion. Une œuvre nécessaire portée par deux interprètes talentueux : Ruth Negga et Joël Edgerton. Ce dernier mériterait un prix d’interprétation.
  • Paterson de Jim Jarmusch. Le journal Libération a titré « brillant essai d’orfèvrerie répétitive ». C’est une pépite que nous offre Jarmusch. Un scénario minimaliste ; Paterson (Adam Driver) qui vit dans la ville de Paterson (!), patrie de poètes comme William Carlos Williams et Allan Ginsberg, est chauffeur de bus. Sa vie est réglée et routinière, aux côtés de sa femme (l’extraordinaire Golshifteh Farahani), douce foldingue pleine de projets et obsédée par le noir et blanc au point de tout décorer et de s’habiller exclusivement de ces deux couleurs, et de son facétieux bouledogue anglais. Il écrit des poèmes et vit dans l’ombre des grands poètes de la ville. La vie de Paterson nous est décrite pendant chaque jour d’une semaine, où il refait quotidiennement les mêmes trajets, les mêmes gestes. Cela pourrait paraître fastidieux. Mais le génie de Jarmusch en fait un film d’une grande poésie, d’une extraordinaire légèreté. Les petites choses de la vie deviennent poésie dans ce film construit comme un poème.

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