MONTPELLIER DANSE 2 juillet

Radhouane El Meddeb, À mon père, une dernière danse et un premier baiser.

Ce chorégraphe est tunisien, formé à l’Institut Supérieur d’Art dramatique de Tunis. Il travaille ensuite avec des auteurs français et du monde arabe. Sa première création, en 2005 est un solo, Pour en finir avec moi, qui le consacre en tant que chorégraphe. Il crée ensuite une quinzaine de pièces, en France et à l’étranger. Il fonde une compagnie, la Compagnie de SOI en 2006. Il est présent à Montpellier Danse la même année avec Pour en finir avec MOI, Hùwà, Ce Lui, puis en 2012 avec Sous leurs pieds, le paradis. Il est depuis janvier 2011 artiste associé au CENTQUATRE-PARIS. Il crée en 2015 Heroes, Prélude. Au cinéma, il joue dans deux films de Férid Boughedir Un été à la Goulette et Halfaouine, l’enfant des terrasses.

C’est de nouveau un solo que nous présente Radhouane El Meddeb. Torse nu, pantalon noir, rarement le danseur est de face. Toujours de dos. Statique de longs moments, il commence à remuer la tête de gauche à droite comme dans un mouvement de refus, puis de haut en bas comme dans une acceptation. Mouvements qu’il répètera longuement et qu’il esquissera même avec ses bras. Il ne fera d’ailleurs que des mouvements avec ses bras, tantôt semblant implorer, tantôt semblant accepter, ses jambes se contentant de sauter parfois l’une sur l’autre. Il se présente furtivement de face, notamment en tournant longuement à la manière des derviches tourneurs et l’on aperçoit, ce que l’on devinait, un corps déformé par la graisse et l’embonpoint. Pourtant il a créé de belles chorégraphies collectives.

Voilà le troisième spectacle qui présente des hommes au corps gras et adipeux. Certes ils sont souples ayant dansé toute leur vie. Mais comment peut on se laisser aller à déformer son corps à ce point quand on exerce ce métier ? J’ai la faiblesse de penser que l’esthétique du corps fait partie intégrante de la beauté de la danse. Quand le corps n’a plus cette esthétique n’y a-t-il pas une forme d’impudeur à l’exhiber ? Il convient de s’interroger sur ce parti pris qui ne peut être le fruit du hasard compte tenu du nombre des spectacles vus. Voudraient ils exprimer la laideur, l’horreur de notre monde ? Mais le spectateur vient-il pour cela ?

Sorour Darabi, Farci.e

Sorour Darabi est une jeune iranienne, basée actuellement à Paris. En apprenant le français, elle s’aperçoit que la langue française définit le genre, pour tout être et toute chose, alors qu’en farsi, sa langue natale, la notion de genre est quasi absente des règles de grammaire et de conjugaison. D’où le projet de créer Farci.e qui a pour ambition d’interroger la question du genre. Elle poursuit ses recherches sous la direction de Mathilde Monnier et Christian Rizzo. Puis elle participe à un groupe underground de la danse d’Iran qui rassemble d’autres artistes exilés. Ce groupe s’élargit en une association (Invisible Center of Contemporary Danse) qui organise un festival au cours duquel elle présente trois solos (2011, 2012, 2013), dans lesquels elle s’interroge sur les rapports entre le corps, le temps, les objets.

Le solo présenté ici n‘est pas un spectacle de danse mais s’apparente à une « performance ». Concernant le thème du genre c’est une réussite en ce sens que la personne qui arrive sur scène n’est ni homme ni femme. Des jambes de jeune garçon au système pileux très abondant, des touffes de poils au menton, un slip dans lequel on croit deviner un sexe d’homme, mais des seins, une voix et une figure de fille. Androgyne ? transsexuel ?

La scène est grande et dépouillée. Vers les spectateurs un bureau blanc avec une chaise blanche, des papiers, une bouteille d’eau comme pour une conférence. Sorour arrive du fond de la salle avec une démarche de personne handicapée, tant dans la manière d’avancer ses jambes que de remuer ses mains. Posture qu’elle gardera tout au long du spectacle. Puis, péniblement elle/il arrive au bureau nous dit bonjour et commence par boire. Puis crache sur les papiers qu’elle fait tomber à plusieurs reprises, qu’elle ramasse en tombant, en faisant tomber la table… Sous l’effet de l‘eau « les papiers » prennent une couleur bleu de « l’encre » qui se dilue. Ce papier, à force d’être trituré, devient une pâte bleue, informe qu’elle déchire, jette en partie par terre, puis, pendant une vingtaine de minutes, en fixant les spectateurs, la mange consciencieusement, lapant ce qui reste sur la table … D’accord, le rapport du corps aux objet, mais quel rapport avec le propos annoncé, le genre ? Décidément j’ai du mal avec ces « performances » qui sont souvent inesthétiques, voire violentes, dont le sens m’échappe (y en a-t-il un d’ailleurs ?) et qui ne présentent pas toujours la meilleure part de l’humanité. Après les géants qui m’ont nourrie, les Pina Bausch, Merce Cunningham, Mats Ek, Lucinda Childs, William Forsythe et autres, j’ai l’impression que la danse contemporaine se cherche, qu’elle est à un tournant où l’on essaye de faire mieux et très différemment que ceux qui vous ont précédés, mais que le talent et la créativité ne sont pas toujours au rendez-vous.

Dans une interview récente, Jean-Paul Montanari, directeur de Montpellier danse depuis 1983, affirme que la parenthèse de la danse contemporaine se ferme et annonce donc la fin de la danse contemporaine.

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