THE FLORIDA PROJECT

AUTEUR : Sean S. Baker est un réalisateur et scénariste américain né en 1971. Il est l’auteur de plusieurs films dont la plupart ne sont pas distribués en France. Il est le créateur de la série Greg the Bunny en 2002. Il s’est fait particulièrement connaître par son film Tangerine réalisé en 2015 qui mettait en scène deux prostituées transgenre dans les rues de Los Angeles. Son film The Florida project a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2017. Son prochain film Starlet sortira prochainement.

Résumé : Moonee, 6 ans, habite avec sa mère célibataire dans un motel aux couleurs vives à la périphérie de Dysneyland. Elles sont, comme tous les occupants, dans une situation précaire. Moonee fait les 400 coups avec sa petite bande de gamins libres et insolents. Jusqu’au jour où son destin bascule.

Analyse : Comme dans son précédent film Sean Baker s’intéresse à l’Amérique des déshérités, des laissés pour compte. Pourtant son film est loin d’être pesant ou même triste, bien que le sujet soit dramatique. Sean Baker a choisi de filmer à hauteur d’enfants ces familles en situation précaire qui habitent un motel mauve bonbon (le Magic Castle !) en périphérie de Disneyland, ancien dortoir pour touristes. Moonee (remarquable Brooklynn Prince) est une gamine de 6 ans, petite boule de nerfs qui n’a peur de rien ni de personne, à la langue bien pendue, à l’infatigable énergie, insolente, débrouillarde, au vocabulaire digne de sa grande sœur Zazie. Elle entraine son petit copain et sa petite amie à faire les 400 coups et donne au film un dynamisme, une gaité qui irradie malgré la noirceur du propos. Certes le film s’étire un peu avant sa fin bouleversante. Mais qu’importe. Ces gosses nous enchantent et nous prouvent que la misère est plus supportable dans l’inconscience des jeunes enfants. Ils ont fait des lieux un vaste terrain de jeu, s’amusant de tout, imaginant à chaque instant leurs nouvelles bêtises de sales gosses attachants, dans une liberté totale et débridée. Jusqu’au jour où leur monde est menacé. Car le propos social du réalisateur n’est jamais loin. Moonee est encouragée par sa mère, Halley (Bria Vinaite), jeune femme marginale, très tatouée, totalement immature, qui passe beaucoup de temps devant sa télévision entre deux expédients, et qui vit l’instant car il faut assurer le quotidien et trouver l’argent du loyer de la semaine. Demain est un autre jour mais il n’y pas de lendemain. Elle a visiblement toute l’indulgence du cinéaste qui filme ces mères, élevant toutes leurs enfants seules (mais où sont passés les hommes ?), qui vocifèrent, s’insultent, se battent, se réconcilient, hurlent de rire, dans une insouciance et une gaité communicative et drôle.

La magie de ce film tient au fait qu’il n’y a nul misérabilisme, nulle complaisance, nulle condescendance, nul pathos de la part du réalisateur. On sent même chez lui une grande empathie pour ces oubliés du rêve américain et de Donald Trump, victimes des subprimes et autres facéties du monde de la finance. Il préfère les filmer dans toute leur énergie vitale. Nul jugement surtout. Haley finit par se prostituer. Et alors ? semble-t-il dire et nous avec. La justice elle même reconnaît l’état de nécessité. Que celui qui n’a pas péché … Les dernières scènes sont absolument déchirantes.

Un film attachant, drôle, épuisant, poétique, bouleversant, plein de vitalité et d’humanité.

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