AVIGNON 19 juillet

LA REPRISE Histoires du théâtre de Milo Rau

       

Milo Rau, né à Berne en 1977, est un dramaturge, directeur de théâtre, journaliste et essayiste suisse. Il a fait des études de sociologie, de langue et de littérature allemande et romane à Paris, Zurich et Berlin avec, pour professeurs, entre autres, Tzvetan Todorov et Pierre Bourdieu. À partir de 1997, il entreprend ses premiers reportages (au Chiapas, à Cuba). Dès 2000, il écrit pour le quotidien Neue Zürcher Zeitung. En 2003, il s’attaque à la mise en scène et à l’écriture dramatique, tant en Suisse qu’à l’étranger, notamment à Berlin, Zurich, Bucarest et Bruxelles. En 2007, Rau fonde la maison de production de théâtre et de cinéma International Institute of Political Murder, qu’il dirige jusqu’à ce jour. Ses reconstitutions théâtrales et filmiques ont été à l’affiche de festivals très prestigieux. Outre ses œuvres scéniques et filmiques, Milo Rau enseigne la mise en scène et la théorie culturelle dans différentes universités. Qu’il traite de la fin des Ceausescu, du génocide rwandais, de la guerre au Congo ou de l’affaire Dutroux, il fait de la scène un lieu d’expérimentation et de questionnement, qui témoigne d’un désir constant de se confronter au réel en considérant l’instant de la représentation comme une catharsis. Il est à partir de la saison 2018/2019 directeur du Théâtre national de Gand en Belgique.

La Reprise est née d’un travail collectif après un fait divers d’une rare violence (le tabassage à mort, à Liège en 2012, d’un homosexuel qui a agonisé plus de 10 heures dans le froid et sous la pluie d’un mois d’avril, par un groupe de jeunes hommes). Milo Rau s’interroge sur la naissance d’une tragédie en prenant le spectateur à partie et en posant des questions importantes de la représentation théâtrale : comment peut-on représenter la violence sur scène ? Qu’est-ce que l’émotion, la vérité, la présence, l’engagement artistique ? À partir de ces nombreuses pistes de réflexion le réalisateur cherche un art du théâtre essentiel : prendre le réel comme source non pour en créer l’imitation sur scène mais pour que sa représentation « devienne réelle ».

Ce spectacle est passionnant par les questions qu’il pose. Le réalisateur semble nous faire découvrir les rouages de la machine théâtrale, les coulisses du processus de création pour s’interroger avec nous sur ses limites. Avec une troupe de comédiens en partie non professionnels, une utilisation de la vidéo bien adaptée à son propos, il nous conte le destin tragique d’Ihsane Jarfi. Malgré le dramatique du propos et la vérité crue des images, à aucun moment le spectateur n’éprouve le sentiment d’un voyeurisme ou d’une complaisance, mais au contraire, il est envahi par une grande émotion et un intérêt soutenu pour la genèse de ce fait divers. Milo Rau ne craint pas d’affronter la réalité : il a fait une recherche fouillée, a rencontré tous les protagonistes de ce drame, les parents du malheureux Ihsane Jarfi, son ancien petit ami. Il a même été en prison s’entretenir avec l’un des inculpés. Chaque acteur sur scène se présente, nous raconte son parcours avec des détails souvent intimes et nous dévoile son rôle. L’écran au dessus de la scène nous montre des images de Liège touchée par la crise économique, univers des frères Dardenne dont il est souvent question dans la pièce. Selon un procédé maintenant connu et bien utilisé ici la vidéo reproduit les scènes soit en direct, soit déjà tournées, que les comédiens jouent en léger décalage. Il cite Kierkegaard en s’interrogeant sur la transcendance. Rien de pédant ni de précieux mais au contraire une recherche passionnante et un théâtre très original avec même parfois des moments drôles.

Je vous recommande ce grand moment de théâtre si vous avez l’occasion de le voir cet hiver.

 

 

 

 

1 Comments

  1. je suis trop contente que tu aies vu et apprécié ce spectacle et je suis toujours intéressée de te lire .je n’ai vu que ce spectacle en Avignon cette année ,j’ai lu ta critique sur Roccio Molina !!!nous avons réservé nos places pour cet automne a Nimes .Car nous la suivons depuis qq années .
    Bonne vacances Marie !!

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