UNE INTIME CONVICTION

Auteur : Antoine Raimbault est un réalisateur et scénariste français. Il est l’auteur de quatre courts métrages, : 24/24 (2001), Good Dog (2003), Vos violences (2014) et Garde la pêche (2017). Une intime conviction est son premier long métrage.

Résumé : Après la disparition de Suzanne Viguier son mari est considéré comme l’unique suspect. Mais il n’y a aucune preuve contre lui, pas même la mort de la disparue. Après un premier procès en 2009 au cours duquel Jacques Viguier est innocenté, le réalisateur s’intéresse au procès en appel où un autre avocat, un ténor du barreau, Éric Dupont Moretti, entre en scène. Nora, qui était jurée au premier procès, est persuadée de son innocence. Elle va mener avec l’avocat un combat acharné pour faire triompher sa vérité, jusqu’à l’obsession.

Analyse : Pour une premier long métrage, parfaitement maîtrisé, Antoine Raimbault s’attaque à un genre qui, à quelques exceptions près (les films d’André Cayatte notamment, ancien avocat), relève davantage de la série télé, genre que les professeurs des écoles de cinéma déconseillent généralement à leurs élèves : le procès pénal. Raimbault s’y est risqué et son film est une excellente surprise. Non seulement il fait preuve d’une parfaite connaissance des rouages judiciaires, mais à partir d’un procès réel, dont il a même gardé le nom des protagonistes, il rajoute une fiction qui équilibre, avec intelligence et habileté son film : le personnage de Nora qui s’acharne à prouver jusqu’à l’obsession l’innocence de Jacques Viguier, ce professeur de droit toulousain accusé du meurtre de sa femme. Ce faisant il ajoute une dimension morale : c’est le doute qui doit guider la recherche de la vérité et non la certitude, comme l’assène l’avocat à Nora au cours d’une scène importante. Une dimension éthique et philosophique : comment juger sereinement et trancher entre des intimes convictions fondées sur des apparences, des rumeurs, et la rigueur de la procédure judiciaire qui nous enseigne qu’une vérité a des visages multiples ; que la vérité judiciaire n’est pas celle du sens commun, de l’équité, de l’intuition, de l’intime conviction populaire ou des évidences personnelles. C’est celle du très bel article 353 du code de procédure pénale que le président de la Cour d’assises doit lire au jury avant qu’il ne se retire, et que je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager :      « … la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d’assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : « Avez-vous une intime conviction ? ». »

Antoine Raimbault a su éviter les écueils du genre avec une mise en scène sobre et resserrée sur l‘essentiel. Il a su de plus s’entourer d’acteurs remarquables et bien guidés. Olivier Gourmet tout d’abord qui campe Dupont Moretti, aussi charismatique, aussi bourru, aussi convaincant que lui mais moins imbu de sa personne et plus sympathique que l’original. Marina Foïs en Nora très habitée par son rôle, Laurent Lucas en Jacques Viguier mutique, dépassé par l’accusation qui pèse contre lui. Certes Antoine Raimbault n’a pas su éviter quelques caricatures comme l’amant, Olivier Durandet, ou le commissaire accusateur. Mais il reste un film plaisant, attachant, captivant, bien mené, qui donne un bon moment de cinéma.

 

One Comment

  1. Tu as bien fait Marie Jeanne denous faire partager le plaisir de lire l’art.353 du CPC. Je ne savais pas jusque là que la Loi s’interrogeait autant ! Quand au film, j’ai envie d’aller le voir Merci

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