McQUEEN

Auteurs : Peter Ettedgui est un scénariste, producteur et réalisateur britannique. Il a été scénariste de plusieurs films. McQueen est son premier long métrage. Ian Bonhôte est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né à Genève. Il a réalisé trois films In the Blackout (2009), Alleycats (2016) et McQueen (2018).

Résumé : McQueen est un regard personnel sur la vie, la carrière et le talent hors du commun de l’enfant terrible de la mode, Alexander McQueen. Une icône d’ascendance modeste qui a brillé comme une étoile filante…  

Analyse : Ce documentaire nous donne une image passionnante et terrible de ce « hooligan de la mode », de ce mauvais garçon de la haute couture anglaise qui a révolutionné le milieu par son imagination débridée et une force créatrice hors du commun. Né dans une famille de six enfants, très modeste, avec un père chauffeur de taxi et une mère institutrice, ce garçon grassouillet, au physique ingrat, mal habillé, négligé, toujours en jeans et baskets, a donné une toute autre image de ce milieu d’où émergeaient à l’époque Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent, Romeo Gigli ou Azzedine Alaïa qui portaient l’élégance jusque dans leurs manières. A 15 ans, hors des circuits scolaires et ne sachant que faire il répond à une annonce du prestigieux tailleur Anderson & Sheppard. Il y apprend la coupe des vêtements et se révèle particulièrement doué. Désormais la couture et la mode seront le monde qu’il pénètrera avec une passion vibrante et dévorante. Il rejoint rapidement Koji Tatsumo à Londres, puis Romeo Gigli à Milan. Il intègre ensuite, de retour au pays, la fameuse Saint Martin’s School. La directrice de cette école qui a vu débarquer cet hurluberlu peu conventionnel lui a donné sa chance car « il avait l’essentiel, la passion ». Son style, aussi atypique que lui, se révèle lors du défilé de fin d’études, foudroyant, inspiré du Parfum de Suskind. Ce trublion ne passe pas inaperçu dans ce milieu où il fait scandale. Il crée sa propre marque et Bernard Arnaud, attiré par cet être hors du commun, le propulse à la tête de Givenchy. Là commence pour lui une folle vie à tous points de vue. Il organise, entre sa maison et Givenchy, pas moins de 14 défilés par an. Il finira par s’y bruler les ailes entre addiction à la cocaïne, séropositivité, dépression, solitude et finalement le suicide.  

Ce documentaire, de facture classique, divisé en 5 chapitres avec des images répétées de vanités, mêle des archives inédites, des vidéos tournées en famille et des témoignages de sa famille et de ses proches qui nous dévoilent sa personnalité fragile, l’être meurtri qu’il était, gardant au fond de lui les traumatismes des abus sexuels que lui avait fait subir un beau-frère violent. Sur la magnifique musique de Michaël Nyman qui accompagnait tous ses défilés.

Lorsque l’art, la beauté, la passion, la folle imagination sont au rendez-vous, cela donne de vraies œuvres d’art. Il n’était pas qu’un créateur de mode ; il était un talentueux metteur en scène. Ses défilés sont de véritables performances théâtrales éblouissantes, où les mannequins jouent un rôle soit de victimes, soit de guerrières, soit paraissent sortir d’un hôpital psychiatrique. Avec des titres aussi provocateurs que Jack l’éventreur traque ses victimes ou Le viol de l’Écosse. On voit des mannequins défilant derrière des miroirs sans tain sans voir le public, ou encore des robots qui repeignent à coups de jets d’encre la robe du mannequin vedette Shalom Harlow, ou encore Kate Moss, iconisée au point de devenir un hologramme. Robes invraissemblables, coiffures avec d’énormes plumes d’oiseaux ou en forme de cornes de cervidés, talons démesurés, maquillages de films d’horreur, dans un vibrant hommage à la femme blessée,  moderne et battante. C’est éblouissant.

 Portrait attachant d’un visionnaire, surdoué flamboyant, disparu trop tôt.

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