Matthias & Maxime

Auteur : Xavier Dolan, fils d’un acteur-danseur, naît à Montréal en 1989. A peine six ans plus tard, on le découvre à la télévision dans plusieurs publicités. Sa relation avec le cinéma s’impose très tôt et sa carrière d’acteur débute par plusieurs longs-métrages canadiens tels que J’en suis (1997), ou encore Suzie (2009). Cette année 2009 est celle de la révélation. A partir d’un scénario auquel il pense depuis trois ans, Dolan réalise et produit à seulement vingt ans son premier long-métrage, J’ai tué ma mère, véritable coup de cœur du Festival de Cannes, où il concourt à la Quinzaine des réalisateurs. Avec ce film le jeune homme impressionne par son talent. Le casting révèle Anne Dorval et Suzanne Clément qu’on retrouvera dans la plupart de ses films. Il écrit le scénario de son deuxième film en quelques mois et revient dès l’année suivante (2010) à Cannes (dans la catégorie « Un Certain Regard »), avec Les Amours imaginaires. Xavier Dolan impose son style : un cinéma d’auteur délibérément décalé et rigoureux. Son troisième long métrage, Laurence Anyways, (2012) est sélectionné à Cannes à nouveau dans la section « Un Certain Regard ». Variant les supports, Xavier réalise un clip en 2013 pour la chanson Collège Boy du groupe Indochine. En 2014 sort en salles Tom à la ferme. Ce quatrième long-métrage rafle le Prix Fipresci au Festival de Venise, la critique le désignant comme le film le plus abouti du Québécois. La même année, il est récompensé par le Prix du Jury au Festival de Cannes pour Mommy, qu’il reçoit ex-aequo avec Jean-Luc Godard pour Adieu au langage. L’année suivante, Xavier Dolan est à nouveau honoré par le Festival de Cannes qui lui offre une place au sein de son prestigieux Jury présidé par les Frères Coen. En 2016, le surdoué québécois présente Juste la fin du monde, qui remporte au 69ème festival de Cannes le Grand Prix et le Prix du Jury Œcuménique. Après Ma vie avec John F. Donovan (2019), Xavier Dolan présente Matthias & Maxime.

Résumé : Des trentenaires se réunissent dans une grande maison au bord d’un lac québécois. Parmi eux, Maxime, à la vie sentimentale et familiale compliquée, et Matthias, dont l’existence est au contraire toute tracée avec un emploi, une famille stable, une fiancée, sont amis depuis l’enfance. Pour les besoins d’un court-métrage, ils vont devoir s’embrasser. Ce baiser d’apparence anodine, confronte les deux garçons à leurs préférences, bouleversant l’équilibre de leur cercle social et, bientôt, leurs existences. 

Analyse : Xavier Dolan a présenté son 8ème film à Cannes, l’année de ses 30 ans. Après l’échec cuisant de Ma vie avec John F. Donovan (qui n’a pas été distribué aux États-Unis, mais seulement en France où il a reçu un succès mitigé, voir ma fiche du 24 mars 2019), le jeune réalisateur nous présente une œuvre plus simple dans sa structure et son sujet. Après Tom à la ferme il revient devant sa caméra et s’intéresse cette fois-ci au thème de l’amitié. Il évolue dans une bande de potes, qui font partie de sa bande d’amis dans la vie. Ils sont bruyants, discutent, disputent, échangent des vannes, s’amusent, sont complices. On quitte l’univers des rapports conflictuels des réunions familiales, encore que Dolan n’ait pas résisté à deux scènes avec une mère alcoolique, très dérangée (interprétée par la fidèle Anne Dorval) et dont il aurait pu se passer. Son propos est ailleurs. Il étudie le désir longtemps refoulé, révélé d’une part par un baiser anodin mais lourd de souvenirs et d’autre part par l’imminence d’une séparation, le manque de l’absence. Après ce départ tonitruant, lorsque les sentiments et le doute habitent les deux amis, le film devient un peu plus calme, même s’il a sa part de violence, notamment chez Matthias qui accepte moins que Maxime la transformation de leur sentiment d’amitié. On retrouve les thèmes favoris du réalisateur, l’homosexualité, l’indétermination du genre, le changement intérieur de ces jeunes gens au seuil de leur vie d’homme qui arrivent à la période cruciale des choix qui engagent l’avenir. On retrouve également le talent du réalisateur par une mise en scène précise, plus sobre qu’à son accoutumée, et son sens de l’image ; des cadrages et des mouvements de caméra audacieux, grâce à au talentueux chef opérateur, André Turpin. Les qualités techniques sont bien au rendez-vous. Toutefois, j’ai du mal à l’écrire tant je suis une inconditionnelle du réalisateur, il serait temps que Dolan cesse de faire du Dolan. On a du mal à suivre ces dialogues inutilement tourbillonnants, débités à un rythme effréné, fatigants, et qui étouffent l’émotion. S’il s’est renouvelé dans le thème abordé, il reste le style Dolan sans cette subtile fragilité des personnages qui a fait apprécier ses autres films, en particulier Mommy ou Juste la fin du monde. C’est dommage. Attendons le prochain. 

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