J’ACCUSE

Auteur : Roman Polanski, né en 1933 à Paris, est un réalisateur, producteur, scénariste franco-polonais, également un comédien, ainsi qu’un metteur en scène de théâtre et d’opéra. Scénariste et réalisateur d’une quarantaine de films dont plus de vingt longs-métrages, il a notamment réalisé Répulsion, Cul de sac, Le bal des vampires, Rosemary’s Baby, Chinatown, Le locataire, Tess, Le Pianiste, The Ghost Writer. Il a reçu de nombreuses récompenses, dont un Ours d’or en 1966, quatre César du meilleur réalisateur entre 1980 et 2014, une Palme d’or en 2002 (Le Pianiste), l’Oscar du meilleur réalisateur en 2003. Il vient de remporter le Grand Prix du jury de la Mostra de Venise pour J’accuse.

Résumé : L’affaire Dreyfus déchira la France, provoquant un véritable séisme dans le monde entier. Dans ce scandale d’État se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme. L’affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart qui, une fois nommé à la tête du contre-espionnage, va découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées.

Analyse : J’accuse est un des grands films de Roman Polanski, qui traite indirectement de l’affaire Dreyfus à travers l’enquête, menée par le lieutenant-colonel Georges Picquart, qui devait conduire à la réhabilitation de Dreyfus. Il ne réalise pas un film sur le procès lui-même, bien que celui-ci prenne une place indispensable. Le procédé fait penser au Traître de Bellocchio qui traite indirectement de la mafia à travers le personnage du repenti. Ce n’est pas non plus une hagiographie du lieutenant-colonel Picquart. Le réalisateur en fait un portrait extrêmement nuancé. Il montre bien que ce n’est pas par volonté de défendre le juif Dreyfus ; ce n’est pas un dreyfusard. On le voit bien, lors de cette première scène très remarquable où dans la Cour Morlan de l’École militaire à Paris Dreyfus est dégradé pour « intelligence avec l’ennemi », approuver des propos antisémites et se réjouir de cette scène. C’est un militaire et comme tel il a épousé toutes les valeurs, bonnes et mauvaises de ce corps. Mais il a le sens de l’honneur de l’armée et il ne veut pas qu’elle soit salie par une erreur judiciaire, ce qui ira jusqu’à la révolte vis-à-vis de sa hiérarchie et son emprisonnement. Il ne fait qu’appliquer sa raison militaire. La fin du film nous conforte dans cette opinion lorsque devenu Ministre, il refuse d’aider Dreyfus qui demande que lui soient comptées ses années de captivité dans son avancement, demande somme toute légitime.

Ce film est également pour Polanski, qui a passé sa jeunesse dans le ghetto de Varsovie et dont la famille a été poursuivie par les nazis, une œuvre personnelle, une occasion d’étudier les travers de cette société bourgeoise et antisémites du XIXe siècle, dont les propos raisonnent malheureusement aujourd’hui encore. Adapté du roman de Robert Harris, An Officer and a Spy (2013, D. pour la traduction du titre), ce film nous donne l’occasion de retrouver le réalisateur au sommet de son art. Une grande maîtrise du suspens, une mise en scène sobre, précise, subtile, une reconstitution méticuleuse des costumes et de l’ambiance de l’époque, une brochette d’acteurs remarquables, même dans les seconds rôles, avec une pléiade de comédiens de la Comédie française et un Jean Dujardin parfait dans le rôle de Picquart, avec un jeu grave, tout en retenue et en subtilité, font de ce film une œuvre très aboutie, indispensable, une réussite évidente.

Contrairement à ce que l’on a pu lire, Polanski ne se prend pas pour le capitaine Dreyfus au regard des accusations qui pèsent actuellement contre lui. Dans ce contexte, ce film pose le problème du rapport de l’auteur et de son œuvre. Il est évident qu’une œuvre ne peut être dissociée de l’auteur qui l’a créé. Elle dépend de son passé, de ses expériences, de son vécu, de sa culture. En va-t-il de même pour le lecteur ou le spectateur, destinataire de l’œuvre ? La question mérite d’être posée. On pourrait considérer que l’ignominie de l’auteur doit rejaillir sur son œuvre. Mais on pourrait également dissocier l’œuvre et son auteur. Il y a des salauds qui ont écrit des pages sublimes. Je pense à Brasillach (fusillé à la libération) ou à Céline (qui aurait pu l’être). Je penche personnellement pour la seconde solution. Prenons l’œuvre et méprisons son auteur(trice), à condition bien sûr que les faits soient prouvés (parole de juriste !).

2 Comments

  1. Je suis complètement en désaccord. Photographie étonnante mais pas de pathos; caractèere des personnage axé sur les militaires, pas sur les victimes; absence presque totale del deyfusard. Description simple des événements également assez prévisible pour ceux qui les connaissent. En bref, moins que didactique,
    En conclusion, pour moi, le film de Polanski n’est qu’un documentaire, très bien fait, mais sans le scintillement de l’invention. Ce n’est pas l’un des films que je reverrai (contrairement à, par exemple, Rosemarie’s Baby ou La Jeune Fille et la Mort)

    1. Je ne partage âs ton commentaire cher Pardo. Les victimes, les dreyfusards, Dreyfus lui-même n’est pas le propos du film.S’il l’avait fait alors oui il n’aurait été « qu’un documentaire ». Le détail de l’acharnement de Picquart à découvrir la vérité est moins connu. C’est tout l’intérêt du film ! Baci !

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