Auteur : Jure Pavlović, né en 1985, était déjà réalisateur amateur au lycée, avant d’étudier la réalisation Tv et cinéma à l’Académie des Arts Dramatiques de Zagreb. Durant ses études, il travaille comme assistant réalisateur sur plusieurs tournages de long-métrages. Après son diplôme il réalise le court-métrage Half an hour for granny (2010) qui a reçu de nombreux prix dont la Lampe d’Huile d’Or du festival Jours de Films Croates. Son second court-métrage Parapluie, produit par sa propre maison de production Sekvenca est sorti en octobre 2012 lors du 10ème Festival du Court-Métrage de Tanger au Maroc où il a gagné le prix de la Meilleure Réalisation. Mère et fille est son premier long métrage qui a été sélectionné et primé dans plusieurs festivals (La Rochelle, Cottbus, etc). Daria Lorenci-Flatz, a obtenu le prix d’interprétation au festival de Saint-Jean-de-Luz 2020.
Interprétation : Daria Lorenci-Flatz (Jasna), Neva Rosic (Anka).
Résumé : Partie en Allemagne fonder une famille, Jasna a quitté son village croate depuis de nombreuses années. Elle y retourne pour rendre visite à sa mère Anka, gravement malade. Mais celle-ci se montre méfiante, glaciale et acariâtre. .
Analyse : Dans le sillage de Falling ou The Father qui analysent les rapports entre enfants et parents vieillissants, Jude Pavlović traite d’une relation compliquée et tendue entre une fille et sa mère très malade en fin de vie. Jasna revient sur les lieux de son enfance qu’elle a quittés depuis longtemps. Elle semble parfaitement heureuse avec une famille qu’elle a créée en Allemagne et c’est la contrainte de devoir s’occuper de sa mère qui la ramène en Croatie. Dès le départ le réalisateur adopte un point de vue formel qu’il tiendra jusqu’à la fin. Il filme en plan serré le visage, le profil ou la nuque de Jasna pendant ses activités quotidiennes, sa mère restant en arrière-plan, un peu floue, comme si elle voulait en effacer le souvenir. Tout ce qui n’appartient pas à sa vision immédiate est hors-champ sans que jamais ne soit utilisé le contrechamp. Ce qui exprime parfaitement l’étouffement qu’éprouve Jasna à être coincée en tête à tête avec sa mère. En parallèle le film nous montre la vie quotidienne des deux femmes qui est d’une vérité quasi documentaire ; les vieilles amies d’Anka qui viennent lui rendre visite et bavardent à tort et à travers, les retrouvailles de Jasna avec ses anciennes connaissances, les diverses démarches qu’elle doit entreprendre pour la santé de sa mère. On comprend aux dialogues qui se nouent, rarement violents, qu’Anka a été une mère maltraitante (le terme est utilisé par Jasna), ayant eu deux héros dans sa vie, son mari et son fils, tous deux morts. Elle se montre acariâtre et agressive, peu reconnaissante de la présence de sa fille auprès d’elle. Les réactions, les agacements, les réflexions que se fait Jasna et que l’on croit entendre font la force et la grâce de ce film, magnifiquement interprété par le jeu tout en retenue, sobre et naturel de Daria Lorenci-Flatz. Peu à peu, à mesure que la rancœur de Jasna s’estompe, le visage de la mère devient plus net jusqu’au dernier sourire du pardon au moment du grand départ. Un film profond, juste, sensible et subtile sur les difficiles relations parents-enfants et l’apaisement de la réconciliation.