Petite maman

Autrice : Céline Sciamma, née en 1978, est une scénariste et réalisatrice française. Elle est élève de la Fémis et utilise son scénario de fin d’étude pour réaliser, en 2006, Naissance des pieuvres, présenté dans la section Un certain regard à Cannes 2007 et récompensé par le prix Louis-Delluc. Elle réalise et écrit en 2010 Tomboy présenté au festival de Berlin. En 2014 son troisième film Bande de filles est présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Elle est l’autrice notamment du scénario d’un film d’animation, Ma vie de Courgette (2015), ainsi que du film d’André Téchiné Quand on a 17 ans (2016). En 2019, elle reçoit le prix du scénario au festival de Cannes pour Portrait de la jeune fille en feu qui reçoit également le César de la meilleure photographie. Petite maman a été présenté à la Berlinale 2021. 

Interprètes : Joséphine Sanz (Nelly) ; Gabrielle Sanz (Marion) ; Nina Meurisse (la mère) ; Stéphane Varupenne (le père) ; Margot Abascal (la grand-mère).

Résumé : Nelly a huit ans et vient de perdre sa grand-mère. Elle part avec ses parents vider la maison d’enfance de sa mère, Marion. Un matin sa mère s’en va. C’est là que Nelly rencontre une petite fille dans les bois. Elle a son âge et elle s’appelle Marion. C’est sa petite maman.

Comme pour les films très controversés, je vous présenterai le pour et le contre. Dans un des deux cas je me ferai, en tout ou partie, l’avocate du diable. 

Pour : C’est un grand film qui traite avec pudeur et subtilité du départ, du deuil, de la transmission. Un « petit » film, par sa durée, par l’âge des interprètes, mais qui atteint une subtilité et une ampleur remarquables. Un télescopage dans le temps. La petite amie de Nelly, qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau (elles sont jumelles dans la vie), est sa mère enfant, quand la grand-mère, qui vient de mourir, était toujours vivante. Elle s’appelle Marion et vit dans une maison identique à celle de la grand-mère de Nelly. Un film fantastique, une atmosphère magique qui laisse des interrogations. La mère disparait, est-elle morte, malade ? où est-elle ? Cette disparition permet à la fiction de commencer. La petite fille devient la gardienne de sa mère désormais orpheline ; la relation mère-fille s’inverse. Une économie de lieux, une mise en scène cousu main d’une précision impressionnante qui fait « tenir » ce film de bout en bout. Sans effets spéciaux la réalisatrice arrive à nous faire croire à la rencontre de la petite fille avec sa mère lorsque celle-ci était enfant. Où est le faux, le vrai, le piège de l’imagination ? Quel enfant n’a pas été curieux du passé de ses parents ? Quelle enfant a été notre mère ? Va-t-on lui ressembler ? Que nous transmet-elle ? Un film audacieux qui voyage dans le temps, mêle habilement les âges de la vie. En revenant à l’enfance la réalisatrice relie les fils de sa filmographie avec Tomboy, avec sa capacité à filmer à hauteur d’enfants.  Un film intimiste, épuré, plein de grâce et de délicatesse.

 Contre : Il en est au cinéma comme dans bien d’autres domaines : il n’échappe pas aux effets de mode. Dès qu’un film d’une (le plus souvent) ou d’un cinéaste en vogue va sortir, les critiques l’attendent fébrilement, encensoir à la main. C’est le cas pour Céline Sciamma, comme pour Maïwenn (voir la fiche du 22 mai sur ADN). Il parait difficile et on se sent mal à l’aise d’oser dire qu’on n’a pas aimé, qu’on n’a pas bien compris l’intérêt du propos, qu’on a trouvé ce film passablement confus contrairement à l’avis de certains commentateurs. Un côté fantastique qui ne nous emporte pas, qui ne nous fait pas rêver, dont nous n’avons sans doute pas compris le sens profond. Mais y en a-t-il un ? Il faut bien tendre l’oreille sinon certains dialogues vous échapperont. Notamment entre les deux petites filles. Elles sont charmantes, délicieuses, mais on ne comprend pas toujours leur diction et elles donnent parfois l’impression de réciter un texte qu’elles ne comprennent pas. Bien qu’épuré le film en dit plus long qu’il ne prétend, notamment sur la place du père qui soit « ne se souvient pas » parce qu’il « n’écoute pas », soit avoue avoir eu peur de son propre père, soit cède aux volontés de sa fille en retardant leur départ alors que c’est l’anniversaire de sa femme, ou en se rasant le barbe. Y a-t-il un message qui indique une insuffisance de la figure paternelle ? Mais on s’éloigne alors complètement du propos initial et on instille des sous-entendus qui alourdissent un film qui n’apparait plus aussi minimaliste qu’il n’en a l’air. Le spectateur navigue en eau trouble et finit par tourner en rond dans un film qui peine à convaincre. Une grande déception malgré un concert de louanges.

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