Le bleu du caftan

Autrice : Maryam Touzani, née en 1980, est actrice, scénariste et réalisatrice marocaine Elle est dans un premier temps journaliste, spécialisée dans le cinéma. Puis elle devient scénariste et réalisatrice de courts métrages et de documentaires. En 2011, son court-métrage Quand ils dorment, est sa première réalisation cinématographique. En 2014, elle réalise un documentaire, Sous Ma Vieille Peau / Much Loved, consacré à la prostitution au Maroc. Ce documentaire donne lieu au film Much Loved, sorti en 2015 et réalisé par Nabil Ayouch, son époux, pour lequel elle participe au scénario. Elle réalise ensuite son second court-métrage en 2015, Aya va à la plage, sur le thème de l’exploitation des jeunes enfants comme domestiques. Elle est pour la première fois actrice dans le film Razzia, sorti en 2017, qu’elle co-écrit avec Nabil Ayouch dans lequel elle interprète Salima, l’un des rôles principaux. En 2019, elle réalise son premier long métrage, Adam, présenté au festival de Cannes dans la sélection Un certain regard, et au 12e festival du film francophone d’Angoulême (voir la fiche du 13 février 2020). Le bleu du caftan, présenté au festival de Cannes-Un certain regard 2022, a obtenu le Valois de la mise en scène et celui du meilleur acteur pour Saleh Bakri au festival du film francophone d’Angoulême, et a été sélectionné pour les Oscars.   

Interprètes : Lubna Azabal (Mina) ; Saleh Bakri (Halim); Ayoub Missioui (Youssef).

Résumé : Halim est marié depuis longtemps à Mina, avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d’Halim, son homosexualité qu’il a appris à taire. La maladie de Mina et l’arrivée d’un jeune apprenti vont bouleverser cet équilibre. Unis dans leur amour, chacun va aider l’autre à affronter ses peurs.

Analyse : Ce film d’une infinie délicatesse vous enveloppe dans la soie douce et chaude de ce merveilleux caftan bleu. Rien n’est appuyé, tout est en touches subtiles, plus suggérées que montrées. Avec lenteur la réalisatrice nous dévoile la complexité des personnages dans un contexte social qui n’admet pas les différences. Des personnages denses et attachants. Mina d’abord. Elle parait sèche et rébarbative au début surtout dans son attitude envers le jeune employé, guidée par son intuition ; mais une rudesse qui progressivement dévoile un cœur intelligent, compréhensif, sensible et aimant. Elle est l’âme de cette boutique et observe, perspicace, la relation amoureuse qui se tisse progressivement entre les deux hommes. Elle est aussi une magnifique rebelle, comme les aime la réalisatrice. Elle brave les tabous sociaux en s’affichant avec son mari dans un café réservé aux hommes et en fumant en public ; le tout accompagné d’un fou rire libérateur entre les deux époux. Tandis que la maladie la ronge, elle accepte la situation, merveilleusement compréhensive, et pousse avec abnégation son mari à s’accepter et à préparer son avenir. Halim est digne, mélancolique, avec un fond d’infinie tristesse dans son beau regard. Il est d’une tendre humanité, plein d’attention à l’égard de cette femme qui est son « roc », qu’il aime avec tendresse mais pas charnellement. Dans une confession poignante, il avouera avoir été méprisé par son père sans doute parce que ce dernier savait que son fils était attiré par les hommes et non par les femmes, comme l’interdit cette société, dénoncée dans le film, qui emprisonne les homosexuels. Il se sent coupable envers Mina, et, ses beaux yeux verts débordants de larmes, il laisse partir son impossible amour. Mais le trio se retrouvera au moment où Mina va partir dans sa longue nuit. Avec élégance et subtilité, sensibilité et pudeur, Maryam Touzani questionne inlassablement les tabous de la société marocaine. Elle filme avec patience et minutie les mains de ce couturier, un des derniers mâalem, maître-tailleur de caftans, qui caresse sensuellement, dans le délicat clair-obscur du magasin, les tissus soyeux et réalise des broderies de toute beauté. Aidée par le talent de ses trois interprètes, elle réalise un film d’une grande beauté qui hante longtemps.

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