De grandes espérances

Auteur : né en 1973, Sylvain Desclous est un réalisateur et scénariste français. Après des études de sciences politiques, de lettres modernes et de droit, il réalise des courts métrages. C’est un observateur des comportements humains, de la conquête du pouvoir, notamment dans son premier long métrage, Vendeur (2016), et ses trois documentaires suivants, La Peau dure (2018), Valentina à l’Est (2020), puis La Campagne de France (2022), qui relate la compétition entre trois candidats pour l’élection municipale du village d’Indre-et-Loire de ses grands-parents.

Interprètes : Rebecca Marder (Madeleine) ; Benjamin Lavernhe (Antoine) ; Emmanuelle Bercot (la députée) ; Marcel Barbé (père de Rebecca) ; Pascal Elso (père d’Antoine).

Résumé : Madeleine, brillante jeune femme issue d’un milieu modeste, prépare l’oral de l’ENA dans la maison de vacances de son compagnon en Corse. Un matin, sur une petite route déserte, le couple se trouve impliqué dans une altercation qui tourne au drame. Cet incident va bouleverser sa vie.

Analyse : De grandes espérances, elles sont surtout dans ces talentueux jeunes acteurs, Rebecca Marder et Benjamin Lavernhe, relève du vedettariat français. Mais ce n’est pas le sens du titre du film. Les grandes espérances sont celles que conçoit Madeleine dans son avenir politique et l’aboutissement de ses idées, très centrées à gauche, pour faire avancer la justice sociale dans son pays. Elle est issue d’un milieu défavorisé. Brillante, passionnée, idéaliste, elle se prépare à passer l’oral de l’ENA, et s’adapte avec facilité au milieu de son amoureux Antoine, fils de. Ils passent des vacances dans une splendide villa en Corse, propriété du père d’Antoine, dans un des lieux les plus beaux de l’île. Ils déjeunent avec une députée, ancienne ministre amie de la famille qui remarque Madeleine pour ses convictions sincères et documentées et qui en fera sa collaboratrice. Mais entre-temps les deux amoureux vivent un incident routier qui vire au drame. Que faire ? avouer et risquer la mort sociale, ou mentir, cacher, tromper, et continuer ? C’est la solution qu’ils choisissent, elle dans la culpabilité et le remord qui la hante, au point qu’elle partira au beau milieu de son oral, lui dans la fuite, ce qui lui ressemble assez, car il se révèlera veule, égoïste, manipulateur, sans grand intérêt. Leur amour ne résistera pas à ce lourd secret. Malgré son acte dicté en grande partie par la peur, on n’a pas envie de la voir gâcher sa vie. Cet incident et sa culpabilité vont la rapprocher de son père, qui la sauvera, ce qui lui permettra de mieux assumer ses origines sociales modestes.

Sylvain Descloux s’intéresse beaucoup à la politique et à ses rouages. Dans un film maîtrisé et très bien écrit, parfaitement documenté du point de vue juridique, politique et social, il observe comment les acteurs de ce monde assouvissent leurs ambitions. Malgré quelques faiblesses du scénario il met en scène avec efficacité et dans une tension qui prend le spectateur tout au long du film, les contradictions entre la vie publique et la vie intime ; comment continuer de défendre des idéaux quand on a les mains sales ; comment dans ce monde sans pitié la fin, le triomphe d’idées généreuses, peut justifier les moyens. Il montre également un milieu de compromissions où sous diverses pressions les meilleures idées peuvent se retrouver affadies, voire dévoyées. Entre polar, film politique et social, un récit sur un monde qui n’a rien d’enchanté.

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