The Lost King

Auteur : né en 1941, Stephen Frears est un réalisateur, acteur et producteur britannique. En 1966 il pénètre le milieu du cinéma en devenant l’assistant de Karel Reisz avant d’intégrer la société de production d’Albert Finney. Après un court métrage il réalise son premier long, Gumshoe, en 1972, un thriller inspiré des films noirs des années 40. Parallèlement, il entame une carrière prolifique à la télévision anglaise, avec près de quarante téléfilms dramatiques. Le cinéaste revient au grand écran avec My Beautiful Laundrette (1985), qui évoque les troubles raciaux entre Anglais et Pakistanais à travers les relations homosexuelles de ses deux héros. S’ensuivent deux autres films virulents complétant la trilogie autour de la déliquescence de la société britannique : Prick up your Ears (1987) et Sammy et Rosie s’envoient en l’air. En 1988, il triomphe avec son adaptation des Liaisons dangereuses, récompensé aux Oscars. Se partageant désormais entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, il enchaîne avec une production très prolifique. À partir des années 2000 de retour en Europe, il signe deux explorations de la monarchie britannique, The Queen (2006) et Confident Royal(2017), et plusieurs biopics à succès de femmes remarquables dont Philomena (2013), Florence Foster Jenkins (2015) et The Lost King qui est son 29ème long métrage.

Interprètes : Sally Hawkins (Philippa Langley) ; Steve Coogan (John Langley, son mari) ; Harry Lloyd (Richard III) ; Mark Addy (Richard Buckley, l’archéologue).

Résumé : Inspiré d’une histoire vraie, The Lost King retrace l’extraordinaire aventure de Philippa Langley, passionnée d’histoire à la volonté de fer qui, sur une simple intuition et malgré l’incompréhension de ses proches et la défiance du monde universitaire, a voulu rétablir la vérité autour de Richard III, l’un des monarques les plus controversés de l’histoire.

Analyse : Ce film raconte une histoire vraie à peine croyable. Philippa Langley est une banale mère de famille écossaise, séparée de son mari qui vit toujours sous le même toit pour élever leurs deux enfants. Elle est atteinte du syndrome de fatigue chronique ce qui lui donne constamment un air maladif, distrait, et elle est très peu sûre d’elle. Lors d’une représentation de Richard III de Shakespeare elle est frappée par le regard insistant de l’acteur principal qu’elle croit porté sur elle. Avec une farouche obstination elle se met alors en tête de réhabiliter ce roi maudit, dernier de la maison d’York, tué en 1485 lors de la bataille de Bosworth contre la maison de Lancastre dont le chef est Henri Tudor, pendant la fameuse guerre des Deux Roses. Shakespeare, soutenu par les Tudor, accrédite leur propagande et fait de Richard III un être bossu, cruel, assassin et usurpateur. Philippa qui vient de perdre son travail a le temps de se documenter, de chercher les traces de ce roi qui n’a aucune sépulture et que l’Histoire a effacé. Avec méthode et détermination, se transformant en enquêtrice et historienne amateure, elle se met en tête de retrouver la tombe de ce roi qu’elle veut réhabiliter dans la monarchie britannique. Ce film pourrait apparaître comme un documentaire d’un intérêt mesuré pour les français régicides. Mais l’habileté de Stephen Frears est de s’éloigner du genre. Il montre comment l’intuition têtue de Philippa guide ses recherches et forge ses convictions, ce qui suscitera la condescendance du milieu scientifique. Elle est tellement habitée par sa « croisade » que le réalisateur la montre constamment accompagnée par le fantôme du roi auquel elle fait part des résultats de ses recherches, avec lequel elle discute, mais qui ne lui dit pas où il est. Ce parti pris pourrait paraître artificiel mais cela donne lieu à des scènes cocasses, pleines de cet humour très british qui rend cette fiction romanesque, émaillée de rebondissements palpitants. Car même si Philippa Langley a été étroitement associée au tournage et si le réalisateur a rendu une image fidèle de sa personnalité, il a gardé sa liberté de création. 

Le plus extraordinaire est que Philippa a réussi à enrôler un archéologue dans sa quête, à trouver des sources de financement, notamment avec l’aide d’une association de défense de la mémoire de Richard III, les Ricardiens, à déterminer que la dépouille du roi défunt doit se trouver sous l’emplacement d’un parking des services sociaux de la ville de Leicester, et par intuition à indiquer son endroit exact. C’est la vérité, elle a réussi ! On est en 2012. Naturellement elle sera spoliée de sa découverte que l’Université de la ville, l’archéologue et les autorités municipales vont s’attribuer, la laissant cruellement dans l’ombre. Elle aura quand même la satisfaction de voir que conformément à ses vœux, Richard III a été inhumé comme un roi, avec le blason royal, ce qui eut lieu au cours de funérailles officielles en 2015 (530 ans plus tard !). La famille royale lui a manifesté sa reconnaissance en 2018.  

Stephen Frears s’est entouré d’acteurs remarquables, notamment Sally Hawkins dans le rôle de Philippa, actrice vue dans plusieurs films de Mike Leigh ou Woody Allen et notamment dans La Forme de l’eau de Guillermo del Toro, où elle tenait le rôle d’une chercheuse filant le parfait amour avec un homme-poisson.

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