Auteur : Quentin Dupieux, né en 1974, est un réalisateur, scénariste, directeur de la photographie français. Il commence à filmer dès 12 ans, quand il trouve une caméra qu’il utilise pour des expérimentations plus loufoques les unes que les autres. Passionné de musique il se fait connaître des adeptes de l’électro sous le pseudonyme de Mr Oizo, et devient, en 1999, l’une des figures de proue de la french touch. Fort de ce succès, il passe derrière la caméra en 2001 et fait ses premières armes avec un moyen-métrage intitulé Nonfilm. Menant de front ses carrières cinématographique et musicale, il réalise Steak, son premier long-métrage, en 2006 et Rubber en 2008, film dont le héros est… un pneu serial-killer, télépathe et attiré par une jolie jeune fille. Il commence en 2012 ce qui sera par la suite une véritable trilogie avec le film Wrong. En 2015 il sort Réalité, Au Poste en 2018, Le Daim en 2019, Mandibules en 2020, soit un rythme d’un film par an, quand ce n’est pas deux, comme c’est le cas en 2022 où sortent Incroyable mais vrai et Fumer fait tousser. En 2023 il sort Yannick et présente Daaaaaali ! à la Mostra de Venise.
Interprètes : Raphaël Quenard (Yannick) ; Pio Marmaï (le comédien Paul Rivière) ; Blanche Gardin (la commédienne Sophie Denis) ; Sébastien Chassagne (le comédien William Keller).
Résumé : En pleine représentation de la pièce « Le Cocu », un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt le spectacle pour reprendre la soirée en main…
Analyse : Cet été, entre deux mastodontes (Oppenheimer, film trop long, confus, où le réalisateur utilise des effets spéciaux ad nauseam, avec une bande son absolument insupportable et un acteur constamment ébahi avec des yeux grands comme des soucoupes volantes, et Barbie), est sorti sans bruit, sans pratiquement d’annonce, un petit film tourné seulement en 6 jours, dans un lieu unique, d’une durée exceptionnelle aujourd’hui (1H07 !), Yannick. Petit par sa taille certes, mais plus profond qu’il n’y parait, qui ne manque pas de dimension sociale, qui dénonce au passage les spectacles qui volent le temps et l’argent des spectateurs. Il est animé par un acteur exceptionnel, étoile très montante du cinéma français, vu notamment dans Chien de la casse (voir la fiche du 4 mai 2023), Raphaël Quenard, qui porte totalement le film, sans que ce soit faire ombrage à celui-ci de le dire, avec un jeu subtil, passant de la menace à la tendresse, à la drôlerie. Dupieux nous livre, comme souvent, une œuvre hors norme, foutraque, disjonctée, dérangeante. Qui n’a pas eu envie un jour, devant une pièce de théâtre nulle, non de fuir mais de le dire haut et fort en interrompant la représentation ? Respect des codes ? des comédiens et comédiennes ? Le cocu c’est le titre et évidemment le thème de cette pièce de boulevard, au théâtre des Bouffes Parisiens. Trois (excellents) acteurs sur scène font leur maximum pour mal jouer un texte nullissime. Et Yannick se lève, les interpelle. Il est gardien de parking à Melun, cela lui fait quarante-cinq minutes de train, plus quinze de marche. Il voulait simplement se détendre, se divertir, mais avec ce texte c’est impossible. Les autres spectateurs restent médusés et sans doute secrètement heureux de l’audace de Yannick. Il a un côté pathétique, il peut être drôle, mais parfois on rit jaune ; il a aussi un côté un peu inquiétant et crée un malaise. Est-il fou ? ou simplement plus désinhibé que les autres ? Est-on dans un drame ou une comédie ? Est-il en train de péter les plombs ou de de se moquer secrètement du monde ? Raphaël Quenard joue admirablement de tous ces registres, avec parfois un regard de fou ou un regard d’enfant égaré. La fin est double. Elle est d’un côté prévisible, mais elle est aussi d’une infinie tristesse. On lit dans le regard embué de larmes de Yannick ce qui le motive et qui est profondément émouvant. Un film léger, dérangeant, étrange, incongru. Vive le cinéma à petit budget !
Yes. Vive le cinéma décalé. J’ai adoré.
Merci de cette critique chère Marie-Jeanne, j’ai également beaucoup apprécié ce « petit » film, plus profond qu’il n’y paraît ! Et son acteur prodigieux…
Merci Nic pour ton message. C’est un plaisir de te lire.