Auteur : Miguel Gomes, né en 1972, est un réalisateur portugais. Il étudie le cinéma à l’École supérieure de théâtre et de cinéma de Lisbonne. Il devient réalisateur après avoir commencé comme critique de cinéma, en produisant des courts métrages à partir de 1999. Il est à la tête de nombreux courts métrages et six longs. Il est l’auteur notamment du magnifique Tabou (2012) qui a obtenu de très nombreux prix, ou de Les Milles et une nuit (2015). Il a présenté Grand Tour en compétition officielle à Cannes 2024 où il obtenu le Prix de la mise en scène.
Interprètes : Gonçalo Waddington (Edward) ; Crista Alfaiate (Molly) ; Lang-Khê Tran (Ngoc)
Résumé : Rangoon, Birmanie, 1918. Edward, fonctionnaire de l’Empire britannique, s’enfuit le jour où il devait épouser sa fiancée Molly. Déterminée à se marier, celle-ci part à sa recherche et suit les traces de son Grand Tour à travers l’Asie.
Analyse : Il faut le dire d’emblée Grand Tour n’est pas un film facile. On peut être déconcerté.e.s au début par une œuvre difficile d’accès. Mais le réalisateur compte sur la sensibilité du spectateur. Il faut se laisser bercer par l’ambiance du film, se laisser prendre par un film plein de rêverie. C’est une vraie œuvre de cinéma en ce sens que le réalisateur se permet des digressions, des sauts dans l’espace et le temps que seul le cinéma peut autoriser. On retrouve dans le film ce qu’au fond on attendait de Gomes : une rêverie nostalgique, un passé colonial déjà vu dans Tabou, un somptueux noir et blanc auquel il mêle cette fois-ci de la couleur avec une incroyable beauté plastique. On parcourt avec Edward et Molly à ses trousses, la Birmanie, la Thaïlande, le Vietnam, Les Philippines, le Japon, la Chine, Singapour, souvent dans des décors de rêve ou dans une nature sauvage mais étrangement hospitalière. Plusieurs temporalités se mêlent dans le film, l’atmosphère de 1917 et celle du présent, sur une musique qui va du beau Danube bleu à My way, ce qui ajoute à la nostalgie qui se dégage de ce film. Il utilise également avec art et talent la voix off qui dans chaque langue du pays traversé, décrit la scène ou les sentiments des protagonistes. Seuls Edward et Molly, britanniques, ne parlent pas anglais mais portugais. Le spectacle est total : des scènes foraines, une grande roue, actionnée à la main par les forains, qui ouvre le film, du théâtre d’ombres de marionnettes Wayang indonésiennes, du théâtre de marionnettes, des chants, des danses, jusqu’au dernier plan, magnifique clin d’œil au cinéma où l’on voit des techniciens filmer la dernière scène du film. Gomes veut nous dire que toute la magie du cinéma permet de bousculer le temps, l’espace, de s’affranchir de la cohérence narrative, de nous faire vivre plusieurs époques à la fois dans des lieux différents, de nous faire rêver d’autre chose que de la plate réalité, de nous montrer des paysages sublimés par l’œil d’une caméra, de nous faire voir des créatures qui n’existent pas et qu’on ne pourrait même pas inventer. Quel bel hommage au cinéma que nous offre Miguel Gomes ! Grand Tour nous entraine dans le grand manège de l’imagination.