Bird

Autrice : Andrea Arnold est une réalisatrice et scénariste née en 1961. Elle commence par être danseuse dans des émissions télévisées. Elle fait ensuite des études à l’American Film Institute Conservatory dont elle sort diplômée en 1991. Elle commence alors une carrière à la fois de scénariste et d’actrice de télévision. Elle passe quelques années plus tard de la TV au cinéma et se concentre à la fois sur la scénarisation et sur la réalisation. Elle met en scène plusieurs courts-métrages dont elle signe à chaque fois le scénario, dont Wasp pour lequel elle est récompensée de l’Oscar du Meilleur court-métrage de fiction en 2004, qui se penche sur la difficulté d’une femme à élever seule ses quatre enfants. Cette reconnaissance lui permet de passer au format long-métrage en 2006 avec Red Road qui reçoit notamment le prix du jury au festival de Cannes 2006. Mais c’est Fish Tank (2009) qui finit de consacrer la réalisatrice. Elle remporte également le prix du jury cannois ainsi que le BAFTA du Meilleur film britannique. Son film suivant, une adaptation personnelle des Hauts de Hurlevent (2011), passe grandement inaperçu. En 2016, elle livre American Honey (voir ma fiche du 26 février 2017) qui obtient le prix du jury à Cannes. Elle est de retour sur la Croisette en 2021 avec Cow, un documentaire suivant le quotidien de deux vaches. Bird a été présenté en compétition officielle à Cannes 2024.

Interprètes : Barry Keoghan (Bug) ; Franz Rogowski (Bird) ; Nykiya Adams (Bailey); 

Résumé : Dans le Kent, en Grande-Bretagne, Bailey, 12 ans, vit avec son frère Hunter dans un logement social plus ou moins légal, tous deux élevés par leur père Bug (cafard en anglais), séparé de leur mère. Laissé à elle-même, Bailey va rencontrer Bird (oiseau en anglais), un étrange jeune homme.

Analyse : Certainement un des grands films d’Andréa Arnold. Certes elle reste dans la lignée de ses thématiques, la description d’un milieu anglais défavorisé, qu’elle a connu dans son enfance, la recherche d’identité par des jeunes femmes, la place des animaux ; mais elle a dans Bird, contrairement à Ken Loach par exemple qui reste dans la sinistrose sociale, l’audace et l’astuce d’y ajouter un élément fantastique, qui donne au film un souffle et une incomparable poésie. Bailey, gamine de 12 ans mais d’une grande maturité, vit à l’étroit dans son milieu, près d’un père complètement immature, qui semble être davantage un frère qu’un géniteur, d’une énergie débordante, plein de tatouages et de fantaisie, qui veut épouser sa dernière petite amie qu’il ne connait somme toute que depuis 4 mois. Ils vivent à l’étroit dans un squat avec un frère. Elle est à la charnière de l’enfance et de l’adolescence, au moment où l’on découvre, à travers des transformations physiques, le monde des adultes, premières règles, premiers émois du désir. Dans ce monde déstabilisant et désespérant, avec une mère qui vit auprés d’un ami hyper violent, sorte de sauvage qui menace les petites sœurs que Bailey doit protéger, elle tente de se protéger. En révolte contre son père, elle s’échappe souvent dans la nature pour de grandes promenades où elle foule la terre et les herbes. Il lui arrive même de découcher et de passer la nuit dans un nid de verdure. C’est au cours d’une de ces escapades qu’elle rencontre un être qui semble venir de nulle part, sautillant, léger, lunaire, vêtu d’une jupe, avec tout bagage un sac à dos. Son regard, ses gestes, sont d’une grâce pleine de poésie et de bonté (superbe interprétation de de Franz Rogowski). La méfiance de Bailey cède devant sa curiosité. L’homme déclare s’appeler Bird. Il est dans la région pour retrouver sa famille. La magie commence. On voit Bird se percher sur les immeubles, tel un oiseau qui observe le monde. Les animaux sont d’ailleurs très présents dans cet univers, corbeau, goéland, cheval, chien, papillon, mouche… (n’oublions pas que la réalisatrice est l’autrice d’un documentaire sur une vache laitière, Cow). Le film devient une œuvre d’une grande poésie, bouleversante, où cet univers fantastique fait oublier le sordide des conditions de vie. Au contact de cet être surnaturel, qui peut se transformer en oiseau, Bailey va pouvoir s’envoler symboliquement pour échapper à un déterminisme social et familial, prendre progressivement de l’assurance et trouver enfin sa place au sein de cette famille dysfonctionnelle. La dernière scène est de ce point de vue très émouvante. Andréa Arnold veut nous montrer, dans ce film, que même dans des milieux qui font désespérer de l’humanité, la poésie, la magie, le fantastique ne sont jamais absents. Un film magnifique, plein de romanesque, de lyrisme et de poésie.

Laisser un commentaire