
Auteur : Koya Kamura est un réalisateur Franco-Japonais né à Paris en 1983. Diplômé de l’université de Cinéma à Paris VII, il étudie ensuite à Tokyo à l’université de Keio. A son retour en France, il entre chez MTV et GameOne en 2007 puis à la Walt Disney Company depuis 2008. Il renoue avec la fiction avec son premier court métrage Homesick en 2019 (Sélection officielle César 2021). En 2024, son 1er long métrage, Hiver à Sokcho est sélectionné au TIFF de Toronto et SSIFF de San Sebastian. Koya Kamura est actuellement en financement de son 2ème long métrage, Évaporés, un polar noir au cœur de Fukushima.
Interprètes : Roschdy Zem (Yan Kerrand) ; Bella Kim (Soo-Ha) ; Park Mi-hyeon (la mère).
Résumé : En Corée du Sud, l’employée d’une maison d’hôtes voit son quotidien perturbé par l’arrivée d’un touriste français qui provoque le réveil de blessures enfouies.
Analyse : Un premier film très prometteur. Un hiver à Sokcho est une œuvre délicate, raffinée et tout en subtilité. Le cinéaste franco-japonais Koya Kamura adapte le roman éponyme d’Elisa Shua Dusapin, métisse comme son héroïne et le réalisateur. La double identité culturelle est un des thèmes du film. Lorsque ce dessinateur français, Yan Kerrand, débarque dans la petite pension où Soo-Ha travaille, elle est intriguée et intéressée par lui. Pourtant il n’est pas très avenant, taiseux, plutôt bourru, solitaire, venu uniquement chercher l’inspiration dans cette ville qui n’offre pas d’attrait particulier, sauf embellie par la neige d’hiver. Mais le pays d’origine de l’artiste a des résonnances chez la jeune Soo-ha. Elle sait qu’elle a un père français qu’elle n’a jamais connu et qui est parti avant de savoir que sa mère était enceinte. C’est du moins la version officielle. Elle s’occupe particulièrement de lui, lui cuisine des plats qu’elle tente d’adapter aux goûts français, lui sert de guide touristique et d’interprète, lui montre sa ville, l’emmène à la frontière nord-coréenne, dans la célèbre zone démilitarisée(DMZ) qui divise les deux Corées depuis 1953. Elle ne peut s’empêcher de l’épier depuis sa chambre limitrophe de la sienne par une fente qu’elle a aménagée dans le papier d’une lucarne. Progressivement on sent la jeune fille glisser vers une relation affectueuse et un désir amoureux. Elle n’est pourtant guère encouragée par Ferrand qui semble ne pas la distinguer, trop absorbé par son travail et la recherche d’inspiration. Soo-ha est dupe d’elle-même. Son attirance pour ce français manifeste qu’elle est surtout en mal de père, qu’elle est à la recherche de son identité, de ses racines. Elle a appris le français qu’elle parle parfaitement et est visiblement très attirée par tout ce qui peut la rapprocher de ce père qu’elle n’a jamais connu. Ce film plein d’une douce mélancolie, est une œuvre d’une grande maturité dans l’étude de ce lien pudique et fragile qui se tisse entre ces deux êtres. En ne prenant que le point de vue de la jeune fille, le réalisateur observe doucement l’évolution de cette relation, ce qui lui donne le charme de la lenteur. Il incruste dans le film des séquences animées d’Agnès Patron qui peuvent aussi bien représenter l’inconscient de la jeune fille que les visions intérieures nées de l’inspiration de Kerrand. Un récit plein de charme et de douceur, avec toutefois un bémol à mes yeux, ce qui n’enlève rien à l’intérêt de l’œuvre. On peut être frustré.e par le fait que la distance maintenue entre ces deux êtres n’ait pas été davantage explorée et notamment l’attitude de Ferrand sur lequel on ne sait rien et qui reste une énigme.