
Auteur : Adam Elliot né en 1972 est un réalisateur australien de cinéma d’animation. Son père est un ancien clown acrobate devenu éleveur de crevettes. Il est l’auteur de sept films d’animation, cinq courts métrages dont Harvie Krumpet pour lequel il a reçu l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation en 2004, et deux longs dont Mary et Max (2009) et Mémoires d’un escargot qui lui valurent, l’un et l’autre, le Cristal du meilleur film au festival d’Annecy. Ses films ont été projetés dans près de 800 festivals et ont reçu plus de 100 récompenses. Il est, à 53 ans, une légende vivante du cinéma d’animation mondial.
Résumé : Anéantie par la mort de ses parents et la séparation d’avec son frère jumeau, une fillette parvient progressivement à remonter la pente, à aimer la vie et à sortir de sa coquille.
Analyse : Un film d’animation d’une grande beauté, un poème bouleversant, triste et drôle à la fois, plein d’humour et d’émotion, de joie et de larmes. On peut penser que c’est beaucoup de qualificatifs pour un seul film. Mais Mémoires d’un escargot est vraiment tout cela à la fois, un petit bijou d’Adam Elliot qui n’en est pas à son premier coup de maître. Certains ou certaines se souviennent sans doute de l’extraordinaire Mary et Max (2009) qui avait consacré le réalisateur comme un des meilleurs réalisateurs de films animés. Construit comme le précédent avec des marionnettes en pâte à modeler, remarquable travail d’orfèvre, filmé en stop motion (technique d’animation image par image), on y retrouve les thèmes favoris du réalisateur, son attention aux marginaux de la vie, aux oubliés de l’existence, à ceux que le malheur n’a pas épargné. Grace Pradel est une petite fille aux yeux immenses et tristes, coiffée d’un bonnet marron tricoté, en spirales, doté de deux antennes, qui rappellent son animal préféré qu’elle collectionne vivants ou en n’importe quelle matière. Passion des escargots qu’elle partage avec le réalisateur, qui fasciné par ce petit animal affirme « Quand vous touchez leurs antennes, elles se rétractent dans la coquille, ce sont donc les « introvertis » du monde animal ! Ils ne savent pas non plus reculer, ce qui m’a rappelé ma citation préférée du philosophe Kierkegaard : « La vie doit être vécue en regardant vers l’avenir, mais elle ne peut être comprise qu’en se retournant vers le passé. » Le film est construit en flash-back ; dans les premières scènes on voit Grace entourée de croix qui pleure la disparition de ses nombreux morts. Elle se confie à son escargot préféré, Sylvia, en lui racontant sa vie. Une vie d’une grande tristesse d’une enfant qui n’a pas été épargnée par le sort. Sa mère est morte en couche, son père a suivi et elle a été séparée de son frère jumeau, Gilbert, lui placé dans une famille de fanatiques religieux, elle, à des centaines de kilomètres, dans une famille d’échangistes qui la laissent seule pour sortir faire la fête. Mais elle fait une rencontre miraculeuse avec une octogénaire, Pinky, excentrique, farfelue, aux grandes lunettes rouges (la seule couleur vive dans cet univers aux couleurs ternes et tristes), libre d’esprit, drôle, qui a beaucoup bourlingué, dont le premier mari s’est éventré sur la lame d’un couteau en trébuchant sur le lave-vaisselle et le suivant s’est fait dévorer par un crocodile en voulant la prendre en photo, qui a dansé nue dans des cabarets, fait l’amour à bord d’un hélicoptère avec une star de la country et joué au ping-pong avec Fidel Castro. Pinky va éclairer la vie de Grace, l’inciter à ne pas se laisser anéantir par son âpreté, à sortir de sa coquille, à avancer. Un film sensible, délicat, baigné de tendresse, d’affection, d’émotion, de poésie, mais également d’un humour du désespoir qui anéanti toute tristesse.