
Cinéastes : Kelly O’Sullivan est une actrice, scénariste et réalisatrice américaine née en 1983. Inspirée par Greta Gerwig elle écrit le scénario de Saint Frances (2019) en se basant sur les expériences qu’elle a vécues alors qu’elle travaillait comme nounou pour soutenir sa carrière d’actrice en difficulté. Elle est en couple avec Alex Thompson, né en 1980 qui est un réalisateur, acteur et producteur américian. Il a réalisé trois films dont Saint Frances en 2019 puis, avec Kelly O’Sullivan, Ghoslight.
Interprètes : Keith Kupferer (Dan) ; Katherine Mallen Kupferer (Daisy, la fille) ; Tara Mallen (la mère) ; Dolly de Leon (Rita).
Résumé : Dan travaille sur des chantiers de voirie à Chicago et ses environs. Un peu par hasard, et à l’insu de sa famille, il intègre une troupe de théâtre amateur qui met en scène Roméo et Juliette. Peu à peu, la tragédie qui se monte sur scène commence à lui renvoyer le reflet de sa propre vie.
Analyse : Ce film pourrait paraitre fastidieux, confus au départ, plein de clichés, de facilités. En fait tous ces défauts énumérés sont une illusion car ce film se révèle tendre, drôle parfois, émouvant, sensible, plein d’humanité envers des personnages déclassés qui intéressent assez peu le cinéma américain. Une famille plongée dans un deuil impossible, déchirant. Le père Dan, taiseux, replié sur lui-même et sa douleur mais qui explose parfois. La fille visiblement déboussolée, révoltée, inclassable, la mère silencieuse et soumise qui essaie de faire face. Mais de quelle douleur s’agit-il ? L’habileté des cinéastes est de nous dévoiler par petites touches le malheur de ces gens. Il faut attendre quasiment la fin du film pour connaitre l’ampleur de la vérité. Une vérité qui nous sera révélée avec finesse grâce à un heureux hasard : la rencontre de Dan avec une troupe théâtrale de quartier dirigée par Rita, dans laquelle il va jouer le rôle de Romeo (de Roméo et Juliettede Shakespeare). Un Romeo peu crédible vu son âge et sa stature mais qui finit par nous convaincre car il y joue sa propre vie, il mime sa douleur, ce qui va lui permettre, telle une thérapie, de comprendre, d’admettre ce qui lui est arrivé et d’accorder enfin un pardon réparateur. Telle une ghostlight, veilleuse qu’on laisse allumée la nuit quand le théâtre est plongé dans l’obscurité, quand rien ne vit, par superstition, l’espoir, la vie vont renaître. Un film qui ne fait rien de trop, pas de misérabilisme, pas larmes faciles, pas de mélo, mais au contraire une grande pudeur et une retenue. Un film d’une grande vérité grâce au choix de ces acteurs inconnus qui forment dans la vie une vraie famille. Un film très bien écrit, lumineux, attachant, sur le deuil certes, mais également sur le théâtre, sur l’art comme source de vie.