
Auteur : Federico Luis, né en 1990, est un réalisateur argentin, né en 1990. Après des études en Sciences de la Communication à l’Université de Buenos Aires, son court métrage, La Siesta, est présenté au Festival de Cannes en 2019 dans la compétition courts métrages. Le film a obtenu de nombreux prix à l’international. Son court métrage At That Very Moment (2013) a obtenu le prix du meilleur court métrage au festival international du film documentaire d’Amsterdam. Simoń de la montaña est son premier long métrage. Il a été présenté à Cannes 2024 dans la sélection de la Semaine internationale de de critique où il a obtenu le Grand Prix.
Interprètes : Lorenzo Ferro (Simoń) ; Kiara Supini (Colo) ; Pehuén Pedie (Pehuén) ; Camilia Hirane (Lucy).
Résumé : Simón a 21 ans et vit en Argentine. Depuis peu, il fréquente une nouvelle bande d’amis inattendue. Auprès d’eux, pour la première fois, il a le sentiment d’être lui-même. Mais son entourage s’inquiète et ne le reconnaît plus. Et si Simón voulait devenir quelqu’un d’autre ?
Analyse : Cette fiche est un rattrapage. Je regrette de ne pas avoir pu commenter plus tôt ce beau film, qui mérite largement d’être vu alors que sa diffusion n’est pas à la hauteur de ce qu’on pouvait espérer. Il est toujours en salle mais il faut se dépêcher de le voir si on ne l’a déjà fait. D’autant que c’est le dernier film financé par l’institut national du cinéma argentin passé depuis à la tronçonneuse de Milei. Certes c’est un film déroutant car le réalisateur refuse d’expliquer les intentions de son héros. Qui est-il et jusqu’où et pourquoi simule-t-il la différence, c’est-à-dire le handicap cognitif ? d’ailleurs le dissimule-t-il vraiment ? En réalité Simoń est incapable de rentrer dans le schéma que l’on attend de lui. C’est auprès de ceux que l’on met à la marge, que l’on considère comme « différents », qu’il va trouver un endroit où il se sent bien, ou il est lui-même. En ce sens on peut parler d’un profond désir d’émancipation de Simoń. Désir de se fondre dans cette communauté que la société ne regarde pas d’un œil neutre ou ignore. Il faut noter une grande humanité de la part du réalisateur qui veut que l’on considère ces personnes comme on le fait pour des êtres normaux. Et il y réussit pleinement car on finit par oublier que ce sont des handicapés. On rit souvent avec eux. Ils nous deviennent familiers, on oublie complètement leur situation.
Simoń feint également la surdité. Là encore on pourrait se poser la question, pourquoi ? En fait il souffre de la surdité de son entourage, c’est-à-dire de son incapacité à comprendre ses aspirations, celles d’un autre monde ; également de la surdité de la société vis-à-vis d’être différents.
Le réalisateur ne s’attarde pas beaucoup sur les paysages, même si les prises de vue sont magnifiques, à part dans une première scène époustouflante où la petite troupe est en randonnée dans la montagne, prise par une tempête de vent cataclysmique. Il pratique surtout les gros plans, ne lâchant pas le visage de Simoń. Il faut souligner la très belle interprétation de l’acteur Lorenzo Ferro dans ce rôle. Un scénario original avec un ton décalé, drôle et tendre. Un film audacieux car il pose les questions qui gênent, sur le désir, la norme, sur la différence, que la société, par commodité, par lâcheté, préfère ignorer. Ce film est une belle surprise, intéressant et indispensable, à voir.