CONTES ITALIENS

CONTES ITALIENSAuteurs : Vittorio (85 ans) et Paolo (83 ans) Taviani réalisent des films à quatre mains depuis plus de quarante ans. Dès 1954 ils réalisent le premier de leurs sept documentaires. Leur filmographie est très imprégnée de l’histoire de leur pays. Ils ont réalisé ensemble 20 longs métrages, mais ce n’est qu’en 1974 qu’ils obtiennent leur premier succès international avec Allonsanfan. Ils sont surtout connus pour Padre Padrone (1977) qui obtient la Palme d’or à Cannes, La nuit de San Lorenzo (Grand prix spécial du jury, Cannes 1982), Good morning Babylonia (1987), Kaos (1983), César doit mourir, Ours d’or (Berlin 2012) et David du meilleur film (Italie 2012).

Résumé : Ces contes sont tirés du Décaméron de Boccaccio. Nous sommes à Florence au XIVème siècle. La peste fait rage. Dix jeunes gens décident de fuir la ville et de se réfugier dans une maison ancienne à la campagne. Pour se distraire ils décident de raconter cinq histoires qui forment la trame du film.

Analyse : Hymne à la beauté, à la jeunesse, à l’amour, à la femme, ce film des frères Taviani est une pure merveille. La première partie nous fait déambuler dans une Florence atteinte de la peste. C’est la fameuse peste noire de 1348 qui a décimé plus de 80 % de la population. Vision macabre s’il en est ! Mais les deux réalisateurs ne se complaisent pas, comme l’auteur des récits qui les ont inspirés, dans la description des corps en décomposition sous l’effet de la maladie. Ils préfèrent d’autres images aussi fortes et efficaces : le suicide d’un homme qui se jette d’une tour de la ville, un homme qui se fait enterrer vivant, des porcs qui meurent après avoir fouiné dans les habits des pestiférés. Malgré la vision des charrettes transportant les cadavres, cette première partie est esthétiquement très réussie. Le rouge sang domine, la musique est omniprésente qui ajoute au caractère lugubre de l’ambiance.

C’est dans cet environnement que dix jeunes gens, sept jeunes filles et trois jeunes hommes, décident de fuir cet univers de mort et de se réfugier dans une maison ancienne, au milieu de la somptueuse beauté de la campagne toscane. Ces jeunes gens, plus beaux les uns que les autres, décident, pour passer le temps, oublier la mort qui rode, et alimenter la conversation, de raconter des histoires. Dans ces cinq contes, loin du contexte qu’ils vivent, l’amour domine, mais aussi la naïveté, l’humour et même la cruauté. Toutefois chacune de ces histoires, racontées à tour de rôle comme dans une joute oratoire, a une fonction thérapeutique. Dans chacune d’entre elles une idée se dégage : l’amour est plus fort que la mort.

Dans une mise en scène très élaborée, avec un beau travail sur la lumière et les cadrages, les frères Taviani nous plongent dans un monde romantique d’une pure beauté, un monde de liberté, de fraicheur et de spontanéité. Chaque plan est travaillé à la manière d’un tableau qui restitue parfaitement les couleurs et les atmosphères, que ce soit les scènes de baignade dans le beau lac tout proche, où les habits jetés sur l’herbe forment une composition de couleurs, que ce soit la scène où les femmes, à la manière antique, fabriquent des boules de pain, tableau presque religieux, que ce soit dans les parties de campagne ou dans des scènes de nuit à l’éclairage des bougies, tout rappelle les tableaux de la renaissance italienne. C’est donc un film d’une très grande beauté formelle. Le talent des frères Taviani et le génie de Baccaccio font littéralement merveille.

Mais ce film n’est pas un pur travail esthétique. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est aussi de la jeunesse contemporaine dont ils ont voulu nous parler. Dans le contexte morose qui est celui de notre monde d’aujourd’hui, ils nous disent leur foi dans cette jeunesse, dans sa faculté à relever les défis et à se forger une vie meilleure. Et ils lui disent aussi surtout l’urgence d’aimer.

1 Comments

  1. Anecdote; il y a des années, j’assiste Paolo et Vittorio au Cinemed, et un journaliste leur demande si le maire de Rome n’était pas un peu trop de droite. Paolo commence une réponse articulée, Vittorio me saisit le bras coupant son frère et lance à la salle bondée, en pisan de campagne, « non, non, c’est un sale fasciste! »: j’ai traduis sourire au lèvres et la tête haute…

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