CONFIDENT ROYAL

Auteur : Né en Angleterre le 20 juin 1941, Stephen Frears poursuit des études à la Faculté de Cambridge avant de devenir assistant du metteur en scène de théâtre Lindsay Anderson. En 1966 il devient l’assistant de Karel Reisz pour son film Morgan. Après un court métrage intitulé The Burning en 1967, il réalise son premier long métrage, Gumshoe, en 1972, un thriller inspiré des films noirs des années 40. Parallèlement, il entame une carrière à la télévision anglaise, avec près de quarante téléfilms dramatiques. En 1984, le cinéaste revient au grand écran et au thriller à rebondissement avec The Hit, puis reprend son travail à la télévision avec My Beautiful Laundrette (1985), qui évoque les troubles raciaux entre Anglais et Pakistanais à travers les relations homosexuelles de ses deux héros. Ce film a énormément de succès. S’ensuivent deux autres films virulents complétant la trilogie autour de la déliquescence de la société britannique : Prick up your Ears (1987) qui relate la vie du dramaturge Joe Orton, dont la mort révéla à l’Angleterre puritaine son homosexualité et sa vie ponctuée de scandales et Sammy et Rosie s’envoient en l’air qui traite des rapports inter-culturels et des conflits entre générations. S’en suit une importante filmographie, notamment Les Liaisons dangereuses (1988) qui sera récompensé aux Oscars, Les Arnaqueurs (1990), Dirty pretty things (2002), The Queen (2006), portrait de la famille royale et de la politique menée par Elizabeth II avec pour toile de fond la mise en lumière des conséquences du tragique décès de la Princesse Diana. Confident Royal est son 46ème film.

Résumé : La reine Victoria est en fin de règne. Lors de son jubilé deux indiens lui apportent très officiellement un cadeau. Elle remarque l’un d’entre eux, scribe dans une prison d’Agra, qui deviendra, jusqu’à la mort de la reine, son confident et secrétaire particulier, dans une cour corsetée et choquée.

Analyse : Stephen Frears, après The Queen, s’intéresse de nouveau à la cour d’Angleterre. Plus exactement aux dernières années du règne d’une reine vieillie, blasée, qui s’ennuie, que plus rien n’amuse et qui montre sa lassitude et son agacement devant le protocole de la cour et ses courtisans. Elle ne supporte plus grand monde et surtout pas son fils « Bertie », le futur Edouard VII. Elle ne mange pas elle bâfre ; elle se lâche, elle n’a plus rien à perdre. Dernières années éclairées, illuminées miraculeusement par la présence d’un serviteur indien, Abdoul Karim, beau, intelligent, cultivé, qui sur un regard interdit sur sa souveraine va s’imposer comme le confident, le compagnon, le « munshi », c’est-à-dire le professeur de la reine et secrétaire particulier. Au fil du film on la voit s’épanouir, sourire, aiguiser sa curiosité, se mettre à apprendre l’indien ou plus exactement l’ourdou, oral et écrit, s’intéresser au Coran. Une reine malicieuse, vive, généreuse qui devient rebelle et réellement souveraine en imposant son protégé et en le décorant, au grand dam de la Cour, de l’ordre royal de Victoria, une des plus hautes distinctions. Les premiers instants du film sont légers, cocasses et réjouissants. Aux côtés de son secrétaire particulier tout passionne la reine ; elle est curieuse de tout et leur entente, leur confiance mutuelle est totale. Puis graduellement le film s’assombrit jusqu’à nous faire redouter le dénouement inéluctable, la mort de la reine et la disgrâce de son protégé. La cour royale intervient et réagit à cette amitié hors norme, les courtisans espionnent la reine, complotent, font montre d’un mépris de classe, d’un racisme borné, qui entraineront les troubles que l’on connaît dans cette partie de l’Empire.

Stephen Frears se régale à retracer cet épisode que la cour royale a effacé de son historiographie officielle et qui a été révélé par l’enquête d’une journaliste indienne, Shrabani Basu qui a retrouvé les carnets d’Abdoul Karim. Cette chronique royale est pleine de malice et réjouissante par les dénonciations subtiles que le réalisateur fait d’un monde engoncé dans ses certitudes et ses privilèges de classe. C’est une satire mordante d’une royauté dont il reconstitue le luxe et les décors, et un portrait féroce des rapports de classe qu’il retrace avec le sens aigu de la farce qui est le sien. Déjà dans Dirty Pretty Things il dénonçait les différences culturelles et de classe. En ce sens c’est un cinéaste militant qui, même lorsqu’il filme les ors des palais, fait un cinéma social. Ses personnages sont réduits à leur condition humaine au delà de leur fonction sociale. Son film nous délivre un message de tolérance, de curiosité et d’amour pour l’autre, différent de nous. Certes ce n’est pas du Ken Loach, mais c’est aussi efficace.

Comme ce dernier, il a également su choisir des comédiens remarquables. On retrouve une Judi Dench, impériale, qui a déjà joué sous sa direction dans Philomena (2014), et qui a déjà porté la couronne de Victoria dans La Dame de Windsor (1997) de John Madden. Quant à Ali Fazal qui incarne Abdoul Karim, il a le charisme, la beauté et la douceur indispensables au rôle.

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