LE RIRE DE MADAME LIN

Auteur : Zhang Tao est un jeune directeur de la photographie, monteur et réalisateur chinois. Le rire de Madame Lin est son premier long métrage qui a été présenté à la sélection ACID (Association pour le cinéma indépendant et sa diffusion) du festival de Cannes 2017.

Résumé : Dans un village du Shandong, à l’est de la Chine, une vieille paysanne fait une chute. Ses enfants en profitent pour la déclarer inapte et l’inscrire malgré elle dans un hospice. En attendant qu’une chambre se libère elle séjourne tour à tour chez ses enfants qui veulent se débarrasser d’elle et qui l’accueillent avec plus ou moins de gentillesse et de respect.

Analyse : Dans ce premier long métrage Zhang Tao aborde un problème dans la Chine actuelle mais qui malheureusement est universel dans nos sociétés modernes : la place des seniors au sein de la famille. Le problème est d’autant plus poignant que l’on connaît le rôle des ancêtres et leur place dans la Chine traditionnelle qui a toujours été essentielle dans la transmission des traditions et de la culture. La modernisation, la course au profit et à l’argent ont complètement changé les mentalités de la jeunesse qui voit désormais les ancêtres de la famille comme des poids économiques et humains dont elle cherche à se débarrasser.

Ce film, traité comme un documentaire par la présence d’acteurs non professionnels, les décors et de longs plans séquences avec un cadrage unique, nous donne une vision très pessimiste de la Chine moderne qui renie ses racines et sombre dans un individualisme forcené. Le personnage de madame Lin, 86 ans, se rattache à l’époque où les anciens s’occupaient des plus jeunes en leur transmettant leur savoir et où tout le monde dans la famille prenait soin d’eux. La réalisation, d’une grande sobriété, presque minimaliste met particulièrement en relief la situation de cette vieille mère, trimbalée d’un enfant à l’autre en attendant d’être parquée dans un hospice mouroir. Partout elle se sent de trop et sa plainte sera son rire. Son rire dont on croit au début qu’il s’agit d’un sanglot et qui est le signe de son désespoir devant une situation qu’elle ne maîtrise pas et qui la menace. Rire nerveux, incontrôlable qui survient dans les situations les moins risibles et qui fait tellement peur à l’une de ses belles filles qu’elle l’isole dans l’étable auprès des vaches. Pourtant cette petite grand-mère a toute sa tête et nous touche profondément par ses regards, ses silences, ses gestes lents qui sont ceux des êtres dont la vie commence à partir. Ce film est donc dur et féroce parfois mais il ne manque pas de tendresse, notamment dans les rapports de cette vieille Mamie avec ses petites filles. Un beau film tout en finesse qui certes nous renseigne sur les problématiques auxquelles la Chine est confrontée aujourd’hui mais qui nous aide aussi à réfléchir sur notre propre société dans laquelle ce problème de la vieillesse de nos ainés trouve trop souvent la même solution que celle que nous présente ce jeune cinéaste. A méditer.

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