Revoir Paris

Autrice : Alice Winocour, née en 1976 est une scénariste et réalisatrice française. Après des études de droit elle se forme au scénario à la FEMIS. Elle commence sa carrière au cinéma par réaliser trois courts métrages. Le premier, Kitchen (2005), est sélectionné en compétition officielle à Cannes où il reçoit le prix Gras Savoy du court métrage. Son premier long métrage, Augustine (2015) qui se fonde sur les relations entre le professeur Charcot et sa patiente Augustine a été présenté au festival de Cannes (2012) dans le cadre de la Semaine de la critique. En 2014, elle co-écrit avec sa réalisatrice le scénario du film Mustang qui représente la France pour les Oscars. Son second long métrage, Maryland, est en compétition dans la sélection Un certain regard à Cannes 2015. En 2018, elle collabore à l’écriture du scénario de Mignonnes de Maïmouna Doucouré, qui a gagné le prix du scénario à Sundance. Son troisième film, Proxima, gagne une mention spéciale au festival international du film à Toronto (2019) et le prix du jury au festival de Saint-Sébastien. Revoir Paris (2021), a été présenté à Cannes 2022 à la Quinzaine des réalisateurs et à Toronto en séance de gala. C’est une féministe engagée, membre du Collectif 50/50 qui a pour but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel.  

Interprètes : Virginie Efira (Mia) – Benoît Magimel (Thomas) – Grégoire Colin (Vincent) – Maya Sansa (Sara) – Amadou Mbow (Assane) – Nastya Golubeva Carax (Félicia) – Anne-Lise Heimburger (Camille).

Résumé : Mia est traductrice de russe à radio-France. Alors qu’elle se détend autour d’un verre dans une brasserie elle est prise dans un attentat et en sort légèrement blessée. Après un repos chez ses parents elle retrouve Paris, reprend les gestes quotidiens de sa vie mais ne se souvient de rien. Décidée à combler ce trou noir, elle commence à enquêter sur ce qu’elle a vécu pour retrouver le bonheur de vivre.

Analyse : Alice Winocour est beaucoup trop habile pour faire un film sur les attentats qui ont ensanglanté et traumatisé Paris en novembre 2015. Elle s’en défend d’ailleurs, par respect pour les victimes dont son frère qui a été blessé au Bataclan. L’attentat, filmé de façon très pudique, presque abstraite, dont on entendra beaucoup les sons mais dont on ne verra, par les yeux de Mia, que les pieds et le canon de la kalachnikov des terroristes, est un point de départ. « Ce qui m’intéresse avant tout dans Revoir Paris, nous dit la réalisatrice, ce sont les traces qu’un tel événement traumatique laisse chez ceux qui l’ont subiJ’examine la façon dont les survivants, évoluant en quelque sorte dans les limbes après avoir enduré le pire, accomplissent un travail de résilience pour sortir de la sidération et retrouver le monde des vivants. » Pour déchirer ce voile qui est tombé sur sa mémoire, Mia va se livrer à une enquête minutieuse, aidée par des souvenirs qui lui reviennent en flash mais surtout par la rencontre avec les autres rescapés. Car dans ce traumatisme, certes individuel mais également collectif, la résilience ne peut s’opérer que par la rencontre avec les autres. Ils se réunissent chaque semaine dans la brasserie pour parler et partager la souffrance et les souvenirs. Un film choral donc qui suit d’autres personnages : une jeune fille qui a perdu ses parents qui cherche à reconstituer leurs dernières heures, une femme qui a perdu son mari et agresse Mia l’accusant de s’être enfermée égoïstement dans les toilettes, un homme, Thomas, qui fêtait son anniversaire avec des amis, qui a été blessé à la jambe et qui aide Mia car il se souvient de tous les détails de la soirée. En lui parlant Mia finit par se souvenir du cuisinier, un noir avec un tatouage sur les bras qui lui tenait les mains pendant qu’ils se cachaient, et la sauvée. Cuisinier qui a disparu tout de suite après l’attentat, que Mia recherche désespérément, ce qui donne l’occasion à la cinéaste de montrer cet autre Paris, celui des sans-papiers, des travailleurs clandestins exploités, des petits vendeurs à la sauvette. 

Avec justesse, pudeur, émotion et infiniment de délicatesse, la cinéaste accompagne Mia dans sa quête et sa renaissance dans un Paris qui ne peut plus être celui d’avant les évènements. Notons un très beau travail sur le son, soutenu par la musique très présente d’Anna Von Hausswolff, musicienne suédoise spécialiste de gothique. Un magnifique film sensible, plein d’intelligence et de retenue, véritable ode à la vie.

1 Comments

  1. Merci MJ Campana! Je suis concernée par la résilience,c est peut être parce que j’ai consulté jeune mariée Boris Cyrulnik. J’aimerais voir ce film.

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