Youssef Salem a du succès

Autrice : née en 1978 Baya Kasmi est une réalisatrice, scénariste, actrice française. Elle a réalisé six films dont J’aurais pu être une pute (2011), Je suis à vous tout de suite (2015), et une série télévisée Le Grand Baza (2019). Co-écrivant depuis 13 ans avec Michel Leclerc son compagnon, réalisateur lui-même, elle a participé à ses films les plus connus comme Le nom des gens (2010), La Vie très privée de Monsieur Sim (2015), La lutte des classes (2019), Les goûts et les couleurs (2022). Elle a également été scénariste de Hippocrate (2014) et de Médecin de campagne (2016) de Thomas Lilti. Youssef Salem a du succès a été nommé au Festival du Film francophone d’Angoulême.

Interprètes : Ramzy Bedia (Youssef Salem) ; Noémoe Lvovsky (l’éditrice) ; Melha Bedia (Bouchra); Abbes Zahmani (le père) ; Tassadit Mandi (la mère).

Résumé : Youssef Salem, 45 ans, rencontre un succès inattendu en remportant le prix Goncourt avec son nouveau roman, où il s’inspire des scènes de son quotidien auprès de ses proches. Il doit éviter à tout prix que son livre ne tombe entre les mains de sa famille…

Analyse : C’est une comédie et une très belle comédie. Donc on l’accepte telle qu’elle est sans scruter les invraisemblances du scénario ni les hasards trop faciles. Un film plein de tendresse, intelligent, bien écrit, qui dénonce avec drôlerie, bienveillance et générosité les mensonges, la superficialité et l’hypocrisie d’un certain monde de l’édition, la bêtise de la téléréalité, les rapports parfois difficiles dans une famille entre deux cultures. Youssef, d’origine maghrébine, qui n’avait eu jusque-là aucun succès dans ses tentatives littéraires, se voit décerner le prix Goncourt pour son ouvrage autobiographique, Choc toxique, dans lequel, sous couvert de fiction, il parle de son rapport au sexe et égratigne quelque peu son entourage. Sa joie est gâchée par la peur que sa famille ne lise son livre et ne se reconnaisse dans les descriptions parfois rudes qu’il fait de ses personnages. D’où une série de scènes cocasses, notamment avec Bouchra sa sœur (Melha Bedia, sœur du comédien dans la vie), car finalement, bien sûr, ils vont découvrir la réalité. Ce qui donne lieu à des règlements de compte familiaux savoureux où l’agressivité de surface ne cache pas un amour infini. 

Écrasé par la chape de plomb du silence qui pèse dans son milieu sur certains sujets, en particulier la sexualité, Youssef s’en libère par l’écriture. Silence qui, ainsi que le montre le film, amène inévitablement au mensonge, celui des enfants à l’égard de leurs parents, mais aussi mensonge dans le couple, entre la mère qui prend son plaisir dans les remous de la piscine et est attirée par le maître-nageur et le père qui aime se déguiser en femme. Le film aborde également la question importante de la place faite aux arabes dans notre société. Comme le dit la réalisatrice, « Est-ce qu’en France, l’Arabe a droit au romanesque ? Est-ce qu’il a le droit à la tragédie, à une dimension mythique ou universelle, en dehors de son appartenance sociale et religieuse ? ». C’est également ce que dit Bouchra à Youssef : « En France, tout le monde a un problème avec les Arabes, même les Arabes ! ». La réalisatrice interroge également le sujet difficile de la part d’autobiographique dans toute œuvre artistique, littéraire en particulier. Un film d’une moquerie touchante qui aborde des sujets graves, avec une part d’autodérision.

Le film doit son charme également au jeu très fin de Ramzy Bedia, personnage doux et attachant, et aux magnifiques rôles secondaires, les frères et sœurs, les parents de Youssef, son éditrice déjantée et fantasque incarnée par Noémie Lvovsky. 

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