in water

Auteur : Hong Sang-soo né en 1960 est un réalisateur, scénariste, producteur sud-Coréen. Il se forme au cinéma à Séoul puis aux États-Unis où il réalise des courts métrages. Amoureux de Rohmer et Cézanne il vit un an en France où il a étudié les impressionnistes, notamment lors de ses années d’étude à Paris, et est fasciné par Le Journal d’un curé de campagne de Robert Bresson. Son premier long métrage Le jour où le cochon est tombé dans le puit (1996), puis Pouvoir de la province de Kangwon (1998), La vierge mise à nu par ses prétendants (2000), lui valent une renommée internationale. Sang-soo y décrit avec un remarquable sens du détail le quotidien de jeunes Coréens, leurs relations de couple conflictuelles et leur malaise existentiel latent où l’alcool et le sexe tiennent une large place. Très prolixe, le réalisateur a tourné 32 films, dont certains avec Isabelle Huppert, Introduction étant son 27ème. Plusieurs fois sélectionné à Cannes, HA HA HA (2010) y remporte le prix Un certain regard. Il est un habitué des prix (notamment Locarno, Berlin). On peut citer parmi ses films les plus récents Un jour avec, un jour sans (2016, voir la fiche du 26 février 2016), Le jour d’après (2017), Hotel by the river (2018, voir la fiche du 8 août 2020), La femme qui s’est enfuie (2020, voir la fiche du 7 octobre). Introduction (voir la fiche du 12 février 2022) a obtenu l’Ours d’argent pour le meilleur scénario à la Berlinale 2021. Juste sous vos yeux a été présenté à Cannes Première en 2021 (voir la fiche du 2 octobre 2022). De nos jours, a été projeté en clôture de la Quinzaine des cinéastes à Cannes 2023 (voir la fiche du 1eraoût 2023). in water a été présenté à la Berlinade en 2023.

Interprètes : Shin Seokho (Seoung-mo, le réalisateur) ; Ha Seong Guk (Sang-guk, son cadreur) ; Seung Yun Kim (Nam-hee, l’actrice) ; Kim Minhee (la femme au téléphone).

Résumé : Sur l’île rocheuse de Jeju, en compagnie d’un cadreur et d’une actrice, un jeune cinéaste cherche à réaliser un film. Alors que l’inspiration lui manque, il aperçoit une silhouette au pied d’une falaise. Grâce à cette rencontre et à une chanson d’amour écrite des années plus tôt, il a enfin une histoire à raconter.

Analyse : Avec ce film d’une heure, Hong Sang-soo atteint à l’épure. Une modestie qu’il manifeste dès le titre, écrit en minuscules. Mais une épure fascinante. C’est un travail sur la création et ses angoisses, où le réalisateur nous dévoile son travail de cinéaste qui s’inspire de l’instant pour bâtir ses films. Avec, comme toujours chez ce réalisateur hors norme une attention particulière aux gestes du quotidien le plus banal, la vie qui se déroule, tout simplement. Une touche d’originalité cette fois-ci : il cultive le flou de l’image comme le ferait un peintre impressionniste, qui crée une sorte de distanciation esthétique et de réflexion poétique par rapport à la réalité du monde. Ne cherchez pas l’histoire, il n’y en a pas, ou si peu. C’est un ensemble d’impressions artistiques pour un film qui aurait dû s’intituler « impressions au soleil couchant sur la plage »Des plans qui font penser à des aquarelles, avec le flou de l’image que provoque la fluidité de l’eau. Hong Sand-soo invente le « cinéma peinture » dans lequel il filme comme s’il peignait et nous fait ressentir la beauté saisie d’un instant de la vie, d’une impression. Il y règne une mélancolie déchirante, comme si le cinéaste allant vers la fin ne garde plus que la quintessence de son métier, l’ultime essentiel. On pressent une angoisse de disparition dans cette œuvre. On pense alors aux paroles de Cézanne que le cinéaste aime tant et qui écrivait au soir de sa vie à son fils : « tout ce que nous voyons, n’est-ce pas, se disperse, s’en va. La nature est toujours la même, mais rien ne demeure d’elle, de ce qui nous apparaît. » De ce point de vue la scène finale, sujet de l’affiche, est poignante où l’on voit le réalisateur du film s’enfoncer doucement et irrémédiablement dans la mer, comme un adieu qu’on espère prématuré. Un petit chef d’œuvre poétique et émouvant.

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