
Cinéastes : Nada Riyadh, née en 1987 est une réalisatrice et scénariste égyptienne. Elle réalise son premier long métrage documentaire, Happily Ever After avec Ayman El Amir, en première au festival du film documentaire d’Amsterdam en 2016 et un court métrage de fiction, Fakh, en compétition à La Semaine de la Critique en 2019. Elle participe à de nombreux programmes internationaux, dont la Fabrique du Festival de Cannes, l’atelier Next Step de La Semaine de la Critique, Berlinale talents, l’American Film Showcase et Film Independent.
Ayman El Amir, né en 1981 est directeur de la photographie, monteur et réalisateur égyptien. Il a réalisé un long métrage documentaire avec Nada Riyadh, Happily Ever After, et produit le court métrage de fiction, Fakh, sélectionné à La Semaine de la Critique en 2019. Il travaille comme consultant scénariste au sein de nombreux programmes comme le TorinoFilmLab, le Doha Film Institute, les Ateliers de l’Atlas du Festival de Marrakech, la DW Academy et le Full Circle Lab.
Résumé : Dans un village du sud de l’Égypte, une bande de jeunes filles en quête de liberté se rebelle en formant une troupe de théâtre de rue.
Analyse : Un documentaire égyptien féministe, plein d’espoir et de mélancolie. L’espoir est que des jeunes filles de 15/16 ans, osent à El Barsha, dans un petit village du Sud de l’Égypte, dans la communauté copte (donc non voilées), monter une petite troupe de théâtre des rues. Sous la houlette de Majda qui se rêve en comédienne et veut partir au Caire, Haidi, Monika et trois autres, dansent, se costument, jouent des saynètes en dénonçant l’oppression que le patriarcat et la religion font régner sur elles et les privent de la même liberté que les hommes. Elles fustigent les mariages forcés, le confinement dans le seul espace de vie que conçoivent les hommes pour elles, l’espace domestique, leur soumission érigée comme une garantie de la paix sociale. Dans ce village où l’espace public est essentiellement occupé par les hommes, un monde d’homme fait par les hommes, pour les hommes, elles attirent un public curieux, rigolard, méfiant ou hostile. Les cinéastes ont filmé pendant quatre ans ces jeunes filles, entrant dans leur intimité, particulièrement celle de Majda, créant ainsi une atmosphère de confiance. On les suit dans leur vie, dans leur espace familial, là où les pressions d’un frère, d’un fiancé se font quotidiennes et insidieuses ; un frère qui ne comprend pas le désir de Majda et lui conseille de continuer à tenir la boutique familiale et de se marier comme toutes les filles, un fiancé qui manifeste le désir de voir sa femme renoncer à toutes ces balivernes et de rester au foyer élever leurs enfants et qui, devant le visage décomposé de Manika, lui dit, pervers, qu’il plaisantait. L’espoir est également dans le discours bouleversant de ce père qui voit Haidi amoureuse d’un homme qu’il suspecte particulièrement machiste, qui lui conseille de bien réfléchir, de ne pas renoncer à ses rêves, qui lui rappelle que le divorce n’est pas permis en Égypte et qu’il connait beaucoup de mariages ratés. Mais la mélancolie est aussi dans ce documentaire. Haidi er Monika, se trouvent prise en main par un mari ou un fiancé devant lequel elles finissent par céder et à rentrer dans le rang. La troupe se dissout et Majda reste seule avec son rêve. La pression de la société et des hommes est plus forte que leur volonté d’émancipation, les murs du patriarcat sont difficiles à abattre, c’est désolant. Mais l’espoir renait car la relève est là. Le film se termine sur une note d’espérance : des petites jeunes filles, darbouka en main, parcourent les rues d’EL Barsha en reprenant le flambeau, Majda part pour le Caire. Le titre original du film est The Brink of Dreams, au bord du rêve. Il est dommage qu’on n’ait pas laissé pour la version française la traduction littérale du titre. Pourvu que ce rêve se réalise ! Un film lucide et émouvant, lumineux, attachant et courageux.