Lire Lolita à Téhéran

Auteur : Eran Riklis, né en 1954 est un réalisateur, scénariste, producteur israélien. Il se forme à la National Film and Television School, Université de Tel Aviv. Il réalise un premier court métrage en 1977. Lire Lolita à Téhéran est son seizième film. Il est surtout connu pour La fiancée syrienne (2004), Les Citronniers (2008), Le voyage du directeur des ressources humaines (2010), pour lequel il a obtenu un Ophir (équivalent des César français pour le cinéma israélien) et Mon fils (2014). 

Interprètes : Golshifteh Farahani (Azar Nafisi); Zar Amir Ebrahimi (Sanaz) ; Mina Kavani (Nassrin) ; Bahar Belhaghi (Mas-hshid) ; Isabella Nefar (Manna) ; Lara Wolf (Azin).

Résumé : Histoire de la résistance d’une enseignante universitaire à l’heure du régime islamique mis en place après la révolution iranienne de 1979.

Analyse : En adaptant le livre éponyme et autobiographique d’Azar Nafisi (paru en France aux éditions Plon en 2004), l’israélien Eran Riklis, dans un film tourné en Italie, nous plonge dans la situation des femmes iraniennes au moment de l’arrivée à Téhéran de l’ayatollah Khomeiny. Azar Nafisi est une professeure de littérature occidentale à l’Université. Lorsque la République islamiste est proclamée, la littérature occidentale est considérée comme « inappropriée ». On oblige désormais les femmes à porter le voile. Celles qui suivent ses cours sont des intellectuelles, libres et ouvertes sur le monde, courageuses. Certaines refusent de porter le voile et manifestent devant l’université. Elles se font arrêter, torturer, violer. Azar refuse au début de porter le voile et ne doit son salut qu’à la situation de son mari, ingénieur apprécié du régime. Devant la contestation de certains de ses étudiants elle finit par renoncer à son poste et reçoit chez elle un groupe d’étudiantes qui continuent de vouloir étudier des textes désormais interdits. On y étudie Nabokov, Fitzgerald, Austen ou James, ce qui leur fait prendre la mesure de leur absence de liberté. Tout au long du film règne une atmosphère d’oppression dans un climat par ailleurs chaleureux d’une grande sororité. Chez Azar elles prennent une bouffée de liberté, rient, se confient, parlent des hommes, se cultivent, grignotent et dansent. Elles sont bien évidemment nu-tête. Pour toutes se pose la question : rester ou partir ? Riklis insiste sur le pouvoir libérateur de la littérature dans les pays sous des régimes autoritaires. C’est un sujet de grande actualité. On est sidérés aujourd’hui de constater ce qui se passe aux États-Unis où les institutions culturelles sont soit fermées soit mises sous tutelle. Un film qui nous donne un beau portrait de femmes révoltées qui fait écho au mouvement actuel des femmes en Iran, Femme, Vie, Liberté. Un film important donc et nécessaire porté par de magnifiques actrices iraniennes en exil, particulièrement Golshifteh Farahani et Zar Amir Ebrahimi (cette dernière prix d’interprétation à Cannes 2022 pour son rôle dans Les nuits de Mashhad). Un bémol toutefois. C’est une mise en scène très classique qui ne donne pas au film l’élan que l’on pouvait en attendre et qui s’essouffle parfois. Force que l’on trouve par exemple dans Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof (voir la fiche du 23 septembre 2024 ) tourné pourtant dans la plus grande clandestinité. Mais ce bémol n’enlève pas à ce film ses qualités et il mérite d’être vu.

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