THE YOUNG LADY

The young ladyAuteur : William Oldroyd est un réalisateur et producteur britannique. Il est essentiellement metteur en scène de théâtre. Il a réalisé deux courts métrages, Christ’s Dog (2011) et Best (2013). Lady Macbeth, distribué en France sous le titre The Young Lady (2016) est son premier long métrage.

Résumé : L’Angleterre rurale en 1875. La jeune Katherine est mariée sans amour à un Lord violent et brutal, qui a le double de son âge. Un jour elle tombe amoureuse d’un palefrenier qui travaille sur les terres de son mari. Habitée par une passion dévorante elle fera tout pour préserver cette liberté retrouvée, jusqu’aux actes extrêmes.

Analyse : La force des images. Jamais film n’aura autant mérité un tel slogan. Des plans fixes somptueux, un décors minutieusement reconstitué, une lumière froide savamment distillée, des paroles rares, des couleurs d’intérieurs sombres et austères d’où émerge cette robe bleu vif de l’héroïne corsetée et statique, tout concours à créer avec talent l’atmosphère pesante, étouffante d’ennui dans laquelle vit cette jeune Katherine. Du moins dans la première partie du film. Car au fur et à mesure de son émancipation, la lumière se fera plus chaude, plus sensuelle, plus douce et la parole s’émancipera.

Le réalisateur a adapté un livre écrit en 1865 par Nikolaï Leskov, « La lady Macbeth du district de Mtsensk », dans les pas de l’œuvre de Shakespeare, dont Dimitri Chostakovitch a tiré un opéra, boudé en son temps par Staline. Mais il a pris un peu de distance par rapport au livre dont il s’est inspiré. Il a transposé l’action de la Russie d’Alexandre II à l’Angleterre victorienne, et y a ajouté des personnages de couleur, ce qui donne une dimension supplémentaire à son propos. Ceci lui a été reproché, mais à tord car c’est sa liberté et son audace d’adaptateur. L’essentiel du sujet est la situation des femmes dans ces sociétés particulièrement archaïques de ce point de vue. La jeune Katherine (remarquable Florence Pugh), achetée par son mari (Paul Hilton) contre un lopin de terre, qui ne rapporte rien dit-il, est traitée comme une esclave. Elle est cloîtrée dans ce manoir lugubre, constamment humiliée par son odieux mari, par le père de ce dernier dans un climat d’une violence inouïe, et, dans une certaine mesure, également par la femme de chambre noire, Anna (Naomie Akie), au rôle bien ambigu. Elle vit son quotidien dans la peur, la frustration près d’un homme qui ne la touche pas, dans l’angoisse, l’attente et l’incommensurable ennui, ne se livrant à aucune activité, ni physique ni intellectuelle. C’est donc avec sympathie et compassion que l’on voit la jeune femme s’émanciper à l’occasion d’un départ de son mari, d’abord en sortant se promener dans la lande, paysage magnifique mais aride comme la vie qu’elle mène, et ensuite en tombant amoureuse d’un palefrenier (Cosmo Jarvis). Sa volonté de vivre, tout simplement, est tellement forte qu’elle fait sauter toutes les barrières de son milieu social. Sa passion gourmande se déchaine alors avec une telle violence que pour préserver cette liberté conquise elle ira jusqu’à devenir une meurtrière nous mettant dans un grand embarras, car ses premiers meurtres ne nous apitoient pas beaucoup. Sauf dans la dernière partie où elle se transforme en monstre, sans aucune borne morale, par un meurtre assez abject et peu justifiable.

Ce beau film attachant montre un talent très maîtrisé du réalisateur. Ses cadrages qui forcent l’admiration, sont un modèle de mise en scène minimaliste, ascétique, pleine de charme, avec de longs plans fixes et de grandes ellipses. De ce point de vue le début du film est remarquable. Il commence par une scène de mariage, qui en trois plans nous dit tout. Premier plan on voit Katherine en voile de mariée de dos ; pour marquer la domination du mari on ne voit pas le visage de ce dernier. Second plan, la femme de chambre l’habille pour la nuit, troisième plan l’arrivée de son terrifiant mari dans la chambre. La maîtrise du réalisateur se manifeste aussi dans la façon dont il filme Katherine en se concentrant sur le visage de cette femme enfant laissant transparaître ses émotions, son étonnement, sa peur, sa lassitude, sa déception, son ennui profond plutôt que de privilégier la parole créant ainsi une atmosphère souvent lourde qui n’est pas sans rappeler celle des films de Michael Haneke. Cette héroïne nous rappelle, sur des registres un peu différents, les Thérèse Raquin, Violette Nozière, Emma Bovary ou la Jeanne d’ « Une vie » de Maupassant (voir mon commentaire sur le film de Stéphane Brisé).

Pour William Oldroyd plus familier des mises en scène de théâtre, c’est le premier long métrage et c’est déjà du grand art.

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