Le cas Richard Jewel

Auteur : né en 1930 à San Francisco, Clint Eastwood est un acteur, réalisateur, producteur américain. C’est à l’armée, où ses rencontres l’amènent à travailler chez Universal qu’il s’intéresse au cinéma. Il fait sa première apparition à l’écran en 1955 puis enchaîne les petits rôles anecdotiques. Peinant à percer dans son pays, Clint accepte de partir en Italie, et c’est grâce à Sergio Leone qu’il devient très populaire. Il passe derrière la caméra en 1971 et réalise de très nombreux films dont les plus connus sont Impitoyable (1992) qui remporte quatre Oscars dont ceux du Meilleur film et du Meilleur réalisateur, Sur la route de Madison (1995), Mystic River (2003) qui lui fait monter les marches du Festival de Cannes pour la quatrième fois, Million dollar baby (2005) pour lequel le cinéaste remporte à nouveau l’Oscar du Meilleur film et du Meilleur réalisateur, L’Échange et Gran Torino (2008). Il est l’auteur d’une quarantaine de films. Ses derniers sont tirés d’histoires vraies sur des héros ordinaires, notamment American Sniper (2015), Sully (2016) ou Le 15 h 17 pour Paris (2018).

Résumé : En 1996, Richard Jewell fait partie de l’équipe chargée de la sécurité des Jeux d’Atlanta. Il est l’un des premiers à alerter de la présence d’une bombe et à sauver des vies. Mais il se retrouve bientôt suspecté… de terrorisme, passant du statut de héros à celui d’homme le plus détesté des États-Unis. Il fut innocenté trois mois plus tard par le FBI.

Analyse : Le cinéma de Clint Eastwood n’a pas pris une ride. Une mise en scène sage, classique, maîtrisée, un cinéma artisanal, sans effets spectaculaires mais efficace. Il nous conte de nouveau l’histoire de ces héros aux yeux des américains, en soulignant le fossé qui sépare leur image publique avec les blessures et les failles de leur réalité intime. Comme toujours il s’intéresse à la justice et à l’injustice. Richard Jewel est un homme humble, célibataire vivant aux côtés de sa mère, fasciné par l’ordre, exerçant le peu d’autorité que lui confère son rôle de gardien de sécurité avec zèle et excès, avide d’une reconnaissance sociale qu’il n’a jamais eue sauf auprès du seul supérieur hiérarchique qui ne l’a jamais méprisé, l’avocat Watson Bryant, qu’il choisira d’ailleurs plus tard comme avocat de la défense. L’habileté de Eastwood est de nous décrire un homme qui ne manque pas d’ambiguïté ; il stocke sans complexe un arsenal impressionnant sous son lit , il a eu quelques problèmes avec la justice, se faisant passer pour un policier qu’il n’est pas, il est maladroit, semble légèrement débile, un peu bizarre. Ces aspects de sa personnalité en feront un suspect idéal pour le FBI, passant du statut de héros public à celui d’ennemi public poseur de bombes. Une descente aux enfers qui nous est contée avec simplicité et finesse. Eastwood ne fait pas pour autant le procès d’une Amérique incapable de reconnaître ses vrais héros. C’est une charge contre les médias manipulateurs en quête de scoops (on dirait aujourd’hui les réseaux sociaux) et contre une police judiciaire du gouvernement fédéral aux méthodes expéditives très contestables. Un film rondement mené, passionnant, sans temps mort et très émouvant. Émouvant dans la description de la relation qui se noue entre Richard et son avocat, homme tout en nuances qui sert à la fois de confident, de conseiller, de père. Il apprend à Richard à cesser de révérer la police et à porter un regard plus critique sur elle (« Arrêtez de leur lécher le cul » lui lance-t-il). Conseils qui porteront leur fruit lorsque dans un entretien avec les agents fédéraux, Richard surmonte sa fragilité et se montre incisif, parvenant à les déstabiliser. Film émouvant également par cet amour maternel et filial qui unit Richard et sa mère. On doit à cette dernière un grand moment du film lorsque, au cours d’une conférence de presse initiée par l’avocat Bryant, elle craque littéralement, ce qui ébranle même la journaliste qui avait lancé l’affaire et qui se rachète par ses larmes. 

Un bémol toutefois. Le film tombe dans la caricature en décrivant le travail de la journaliste Kathy Struggs, manipulatrice, n’hésitant pas à user de tous moyens, y compris de son corps pour obtenir un renseignement qui fera un scoop, et la personnalité de l’agent fédéral Tom Shaw, cynique, sans scrupules, n’hésitant pas à détruire la vie d’un innocent pour trouver rapidement un coupable. Mais cet aspect caricatural et peu fin ne gâche pas pour autant un film engagé qui manifeste de l’humanité envers les petits, les obscurs de la vie, comme Richard, magnifiquement interprété par Paul Walter Hauser, et sa mère. Un film qui manifeste de l’empathie envers ceux qui se battent pour ce qu’ils croient juste, comme l’avocat et son assistante. Une fable morale sur la fragilité des faibles qui peuvent facilement être broyés par une presse avide de sensations et une police peu soucieuse des individus.

Un film prenant de bout en bout qui nous prouve que ce sacré Eastwood n’a pas fini de nous étonner.

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