Nuestras Madres

Auteur : César Diaz, né au Guatemala en 1978, est un acteur, monteur, réalisateur guatémaltèque et belge. Après des études au Mexique et en Belgique, il intègre l’atelier scénario de la FEMIS à Paris. Depuis plus de dix ans, il est monteur et réalisateur de fictions et de documentaires, Semillas de Cenizas, présenté dans une vingtaine de festivals internationaux, et Territorio Liberado, lauréat du prix IMCINE au Mexique. Nuestras Madres, sélectionné à la Semaine de la Critique, est son premier long métrage de fiction. Il a obtenu la Caméra d’or (2019), le Prix SACD et le Grand Rail d’or à la 58e Semaine de la Critique. Il est le représentant de la Belgique aux Oscars.

Interprètes : Armando Espitia (Ernesto) ; Emma Dib (sa mère), Aurelia Caal (une indienne).

Résumé : Guatemala 2018. Ernesto, jeune anthropologue à la Fondation médico-légale, travaille à l’identification des disparus lors de la guerre civile qui a ensanglanté le pays plus de vingt ans auparavant. Un jour, à travers le récit d’une vieille indienne, il croit déceler une piste qui lui permettra de retrouver la trace de son père, guérillero disparu pendant cette guerre.

Analyse : Nuestras madres est le premier long-métrage à avoir représenté le Guatemala à Cannes. Comme dans la Llorona de Jayro Bustamente (voir la fiche du 3 février 2020) dont César Diaz a été le monteur, le film revient sur un épisode douloureux de l’histoire du Guatemala, la guerre civile qui a duré 36 ans de 1960 à 1996, qui a fait près de 200 000 victimes et plus de 45 000 disparus, et a touché particulièrement les populations indiennes mayas, provoquant un véritable génocide. Pour traiter un sujet aussi douloureux Diaz a choisi la sobriété. Sa mise en scène est classique, carrée, sans effets de caméra. Avec délicatesse le réalisateur s’est effacé derrière son sujet qu’il actualise en situant l’action en 2018. Ernesto qui vit toujours chez sa mère travaille dans un institut dont la mission est de déterrer les corps ensevelis dans des charniers, victimes d’une folie assassine, de les identifier et de les rendre à leur famille afin qu’elles puissent enfin faire leur deuil et trouver la paix. Avec une conscience qui n’est pas que professionnelle, il est à la recherche du corps de son père assassiné, guérillero héroïque qu’il n’a pas eu le temps de connaître, ce qui fait écho à la propre histoire de César Diaz. La première comme la dernière image nous le montrent concentré sur la reconstitution d’un corps humain, filmé en contreplongée, ajoutant avec une précision scientifique chaque os à ce squelette, puzzle macabre. C’est la mémoire d’un passé douloureux que le réalisateur veut raviver afin que nul n’ignore, nul n’oublie, mais afin que cette page sombre puisse enfin se tourner avec l’espoir que cela ne se reproduira plus. Un procès contre les tortionnaires est en cours et les veuves sont appelées à témoigner. La mère d’Ernesto qui a pourtant été torturée six mois durant aux mains de ces assassins, refuse de participer au procès. On comprendra pourquoi, à la toute fin du film, lorsqu’elle se décidera enfin à parler.

Dans une atmosphère intimiste Diaz mêle l’histoire des années les plus sombres de son pays avec celle d’Ernesto surtout dans sa relation fusionnelle et touchante avec sa mère. Un parallèle intelligemment mené, maitrisé et efficace, dans un film tendre et émouvant qui nous dit l’essentiel en peu de temps. Des portraits magnifiques de veuves mayas, dignes et silencieuses, au regard de ceux qui en ont trop vu, au visage prématurément vieilli, buriné par le malheur et la désespérance, héritières d’un monde qui pleure ses hommes, nos mères. 

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