Cannes 12 juillet

Nanni Moretti n’est plus à présenter aux amateurs de cinéma. Il est à la tête d’une quinzaine de longs métrages et autant de court. Habitué de Cannes il a emporté la Palme d’or en 2001 pour La Chambre du fils, et on se souvient de Habemus Papa ou de Mia Madre prix du jury œcuménique en 2015. L’acteur et réalisateur italien habituellement scénariste de ses films, s’essaie pour la première fois à l’adaptation d’une œuvre littéraire avec Tre Piani, trois étages en français, tiré du livre du même nom de l’auteur israélien Nevo Eshkol. Si l’intrigue se déroule dans le roman à Tel-Aviv, Moretti a décidé de la déplacer en Italie. Il met en scène dans ce long-métrage l’histoire de trois familles vivant dans un immeuble bourgeois de Rome, à des étages différents. Il aborde dans ce film des thèmes qui lui sont chers, le couple, la famille, la filiation. C’est un procès contre la paternité toxique, destructrice ou absente, sur le mal que peuvent faire les parents aux enfants et inversement. Le film commence par une scène fracassante : une voiture déboule dans une rue à toute vitesse, renverse une femme et finit par s’encastrer dans le rez-de-chaussée d’un immeuble. On découvre alors les habitants de l’immeuble : au rez-de-chaussée vit un architecte avec sa femme et une petite fille de 7 ans que le père soupçonne d’avoir été abusée sexuellement par le vieux monsieur du premier qui lui servait de grand-père. Au second un haut magistrat (Moretti) et sa femme (Margherita Buy) en conflit aigu avec leur fils Andrea, le conducteur ivre de la voiture. Au troisième une jeune mère qui va accoucher toute seule car son mari est absent. S’enchainement alors tous les malheurs du monde : maladie mentale, délinquance sexuelle, démence sénile, conflits parentaux et conjugaux, une scène avec des migrants qui, dans ce contexte, vient comme un cheveu sur la soupe. On ne retrouve pas dans ce film le mordant, l’humour, la fantaisie d’un Moretti qui se serait assagi. C’est dommage !

Le film Drive my car est réalisé par le japonais Ryusuke Hamaguchi qui foulait le tapis rouge à Cannes pour la première fois en 2018, grâce à son film Asako I & II, présenté dans la compétition officielle. Il a obtenu cette année à la Berlinale l’Ours d’argent pour son film Contes du hasard et autres fantaisies. Adapté de la nouvelle éponyme d’Haruki Murakami, Drive My Car est une des pépites de ce festival. On y retrouve la quête esthétique qui anime le cinéaste depuis ses débuts, l’importance de l’échange, de la parole qui permet d’atteindre la vérité au plus près. Quel est le propos ? Alors qu’il n’arrive toujours pas à se remettre de la mort de sa femme, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania de Tchekhov dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu’on lui a assignée comme chauffeure. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige chacun à faire face à leur passé. Le cinéaste revendique l’influence de Rohmer, de John Cassavetes ou de Kurosawa. Autour des thèmes du deuil, de la culpabilité de la communication des souffrances, Hamaguchi met en scène un film tout en délicatesse et étrangeté qui plonge au plus profond des souffrances des personnages. C’est une histoire longue, quasiment 3H, un long voyage dans l’habitacle intime d’une voiture, avec l’écho du si beau et si profond texte d’Oncle Vania où deux cabossés de la vie se rapprochent pour continuer à vivre. Un très beau film qui devrait figurer au palmarès.

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