Cannes 13 juillet

C’est la deuxième fois que Wes Anderson, cinéaste américain de 52 ans, revient à Cannes après Moonrise Kingdom en 2013. Égal à lui-même avec son style visuel très distinctif il présente un film particulièrement réjouissant. The French Dispatch (la dépêche française) est le nom du supplément français du journal imaginaire Liberty Kansas Evening Sun, basé dans un village français, Ennui-sur-Blasé (le ton est donné). Son directeur (Bill Muray) vient de mourir. Nous sommes en 1975. Pour sa nécrologie les journalistes vont écrire des articles qui formeront la trame d’un film à sketch. Il se présente sous la forme d’un chemin de fer, expression connue dans l’édition pour indiquer le déroulé des pages qu’on affiche et qui ponctuent chaque étape du film. Un article sur les bas-fond d’Ennui-sur-Blasé, un autre sur un artiste psychotique (Benicio Del Toro) qui purge une peine lourde de prison, qui connaît le succès et des moments de sensualité avec la gardienne de sa prison-asile (Léa Sedoux), le récit du soulèvement d’étudiants par une journaliste (Frances McDormand) qui profite de l’occasion pour initier un des insurgés (Timothée Chalamet) aux choses de l’amour, un reportage sur le portrait d’un chef inventeur de la cuisine policière, le lieutenant Nescafier, qui dérive vers l’enlèvement du fils du chef de la police (Mathieu Amalric). C’est un film né d’une imagination débridée, inventif, drôle, ironique, onirique, tellement rapide qu’on n’arrive pas parfois à suivre. Avec un casting américano-français à faire pâlir tout réalisateur ; car en plus des artistes cités on retrouve Owen Wilson, Tilda Swinton, Damien Bonnard, Lyna Khoudri, certains pour une seule réplique ! Des plans sous forme de cadres, une mise en scène précise qui passe du noir et blanc à la couleur vive, au burlesque, au romanesque, à l’animation, un vrai bonheur. C’est un hommage bâti à la gloire d’une certaine idée du journalisme et – surtout – du cinéma notamment français car on y décèle l’influence de Tati, Godard ou Clouzot. Un film agréable et drôle.

Kirill Serebrennikov, cinéaste russe de 51 ans, est toujours condamné à résidence en Russie, récemment condamné à 3 ans de prison avec sursis pour une sombre affaire de détournements de fonds. Il a obtenu le prix François Chalais à Cannes 2006 et son film Leto a été sélectionné en 2018. Son film Petrov’s Flu est l’adaptation du roman d’Alexeï Sanikov sorti en 2016. Affaibli par une forte fièvre, Petrov est entraîné par son ami Igor dans une longue déambulation alcoolisée, à la lisière entre le rêve et la réalité. Progressivement, les souvenirs d’enfance de Petrov ressurgissent et se confondent avec le présent. Un univers sombre, très sombre, violent avec beaucoup de beuverie, dont on n’arrive pas toujours à comprendre le fil. Est-ce le délire fiévreux de Petrov ? Où est le rêve, où est la réalité, ce qui donne un film abscons et brumeux. Certes de très belles images et un beau travail sur la couleur ; mais ce film décadent et nihiliste déçoit pour ceux qui ont aimé Leto.

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