Bye bye Tibériade

Autrice : Lina Soualem est la fille de Zinedine Soualem et de Hiam Abbass. Elle fait des études d’histoire et de sciences politique. Hormis une première expérience dans le doublage (pour le film d’animation La légende de Parva), elle débute comme actrice dans Héritage (2012) réalisé par sa mère. Elle se passionne pour le genre documentaire lors d’un stage dans un festival de cinéma des droits de l’homme. Son parcours universitaire lui permet également de voyager pour la première fois en Algérie, expérience qui lui permet d’avoir « conscience d’un malaise personnel : j’étais dans le pays de mes grands-parents, je savais plus ou moins de quelle région ils venaient, mais je ne savais rien de la façon dont leur histoire personnelle s’était ancrée dans cette grande Histoire ». Dans les années 2010, elle filme pendant trois ans ses grands-parents après l’annonce de leur séparation et réalise son premier film, le documentaire Leur Algérie (2021) présenté dans plusieurs festivals. Bye bye Tibériade est son second long métrage documentaire.

Résumé : L’actrice Hiam Abbass raconte à sa fille, la réalisatrice Lina Soualem, l’histoire de son exil de Palestine. Lina retourne avec elle sur les traces des lieux disparus et des mémoires dispersées de quatre générations de femmes palestiniennes. Un voyage émouvant sur les terres de sa jeunesse.

Analyse : Un documentaire magnifique, douloureux, plein de vie, de douceur et de complicité entre Hiam Abass, ses sœurs et sa fille, la réalisatrice Lina Soualem. Après avoir filmé la saga de sa famille paternelle (Leur Algérie), Lina s’intéresse à celle de sa mère. Cette histoire familiale s’étale sur quatre générations de femmes palestiniennes, depuis leur exil forcé (la Nakba) en 1948, chassées de leur village par les israéliens. L’arrière-grand-mère de Lina, Um Ali, a dû reconstruire un foyer ailleurs, quelques mois avant la remise de diplôme d’institutrice à sa grand-mère, Neemat. C’est l’histoire douloureuses d’éternelles exilées dont le destin est façonné par l’Histoire. Douleur de l’exil mais douleur de la séparation également. Neemat a été séparée à tout jamais de sa sœur Hosnieh qui s’est retrouvée en Syrie et n’a jamais été autorisée à revenir en Palestine. Histoire également de lieux, berceaux de familles, rayés à tout jamais de la carte ou remplacés. La famille a fini par s’installer à Deir Hanna, en Galilée, en territoire israélien. Hiam Abbass accepte d’ouvrir « les douleurs du passé ». Elle, a choisi un autre exil, celui vers la liberté. Femme profondément libre elle étouffe dans son village ; le poids des traditions, une ville sous contrôle israélien où il est interdit de prononcer le mot Palestine, pas de théâtre, pas de cinéma. Elle fuit dans un premier temps dans l’écriture, l’étude de la photographie à Haïfa et le théâtre. À la faveur d’un mariage avec un anglais qu’elle impose à son père, elle vient en Europe où elle entame une carrière d’actrice qui devient internationale. Après un divorce elle s’installe à Paris où elle épouse un comédien algérien Zinedine Soualem. 

« Je suis née de ce départ, de cette rupture entre deux mondes » dira Lina. À partir d’un voyage avec sa mère sur les traces de son passé à Tibériade, porté par une voix off, le documentaire mêle des photos d’époque, des archives familiales des années 30 et 40, des vidéos d’avant la Nakba, d’autres tournées dans les années 1990 et à Paris, qui aident à comprendre les conséquences du drame de 1948 à l’échelle d’une famille. Un documentaire douloureux et nostalgique mais qui a ses moments de joies. Une magnifique complicité entre Hiam et ses sœurs ; avec son sens du théâtre elle leur fait jouer les moments de sa vie qu’elle veut retracer pour sa fille, dans des fous rires jouissifs et communicatifs. Un merveilleux album du souvenir, émouvant, riche et sensible, qui remonte à la source de l’actualité dramatique que nous vivons.

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