Nuit noire en Anatolie

Auteur : Özcan Alper, né en 1975, est un réalisateur et scénariste turc. À partir de 1992 il poursuit des études à la Faculté d’Ingénierie de l’Université d’Istanbul, spécialisé en physique. Plus tard, il rejoint la Faculté de Littérature, se concentrant sur l’Histoire des Sciences, et obtient son diplôme en 2003. Dès 1996, il manifeste un intérêt marqué pour le cinéma et participe à des ateliers organisés par le Centre culturel de Mezopotamya. À partir de l’an 2000, il commence à travailler en tant qu’assistant réalisateur sous la supervision de la réalisatrice Yeşim Ustaoğlu. Il réalise son premier court-métrage en tant que réalisateur principal, Momi. Il réalise également des documentaires au Japon. En 2008, il présente son premier long métrage, Sonbahar (Automne en turc), qui remporte de nombreux prix. Il enchaîne avec un autre film acclamé par la critique, Gelecek Uzun Sürer (Le Futur Dure Longtemps en anglais), qui remporte également d’importants prix. Nuit noire en Anatolie est son cinquième long métrage qui a obtenu l’Antigone d’or au dernier Cinemed (Festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier).

Interprètes : Berkay Ates (Ishak) : Cem Yigit Üzümoglu (Ali).

Résumé : Ishak vit seul dans la province d’Anatolie et gagne sa vie en jouant du luth dans une boîte de nuit. Un jour, il doit se rendre au chevet de sa mère dans son village natal qu’il a dû quitter subitement 7 ans auparavant. Ishak est alors confronté à l’hostilité de tous ainsi qu’aux tourments de son propre passé.

Analyse : Les cinéastes turques ont le privilège d’avoir, pour leurs films un acteur de choix : les paysages d’Anatolie dont Nuri Bilge Ceylan a tiré un si beau parti. Dans une magnifique photographie de paysages terriblement tourmentés, Özcan Alper déroule, avec un art consommé du thriller, une histoire inquiétante et glaçante d’une absolue noirceur, dans un petit village reculé. Un village où la différence est sujette à inquiétude et intolérance, où l’homophobie et la violence sont le quotidien d’hommes mal dégrossis, virilistes et bornés. Lorsque Ishak revient après sept ans d’absence dans son village il est mal perçu. Pourtant il a été des leurs ; mais outre le fait qu’il est parti, il se met en tête de régler des comptes avec son passé et de ressusciter une vieille histoire, sombre et dramatique, à laquelle il a assisté. Il avait avec son ami Ali, fin intellectuel, débarqué on ne sait trop pourquoi dans ce coin perdu, une relation fusionnelle et ambigüe. Ali est un être trop différent qui dérange ; rapidement le bruit se répand qu’il est homosexuel. Insupportable pour ces petits mecs arriérés, ignorants, sûrs d’eux et bas de plafond, avec des codes d’un autre âge. Un film qui a une portée politique car c’est la peinture lucide d’une société rurale violente, désespérante, xénophobe, raciste, nationaliste. Bien mené, avec une série de flashbacks qui nous dévoilent progressivement l’histoire, dans une atmosphère étouffante et un climat de peur et de violence, ce film ne laisse aucun repit au spectateur jusqu’à un final qui tue toute espérance. Un film puissant et efficace, un portrait juste d’une certaine société dont on ne peut ignorer l’existence.

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