
Autrice : Maryam Moghadam, née en 1970 est une réalisatrice, scénariste et actrice iranienne. Elle fait des études en Suède à l’École internationale des arts de la scène, puis fait ses débuts au cinéma en 1994. Elle a joué notamment sous la direction de Jafar Panahi. Elle a coréalisé avec Behtash Sanaeeha, son époux, un documentaire en 2018, La Diplomatie invincible de M. Naderi (2017) qui remporte de nombreux prix dans des festivals de films nationaux et internationaux, puis, toujours avec sa coréalisation, Le Pardon (2020) sélectionné à la Berlinale 2021 où il remporte le prix du public, puis toujours avec lui, Mon gâteau préféré qui a été sélectionné à la Berlinale 2024, et qui y a obtenu le prix du jury œcuménique, Grand Prix du jury au Festival du film de Cabourg 2ème 2024.
Auteur : Behtash Sanaeeha, né en 1980, est un réalisateur, scénariste et producteur iranien. Il fait des études en génie civil et en architecture puis commence à écrire des scénarios et à réaliser des courts métrages, des documentaires et des publicités. Il écrit et réalise deux séries télévisées d’animation et un téléfilm de fiction. Son premier film Risk of Acid Rain (2014), a reçu de nombreux prix nationaux et connait un succès international. Il coréalise ensuite avec Maryam Moghadam un film documentaire La Diplomatie invincible de M. Naderi (2017), puis, toujours avec Maryam Moghadam Le Pardon et Mon gâteau préféré (voir supra).
Interprètes : Lili Farhadpour (Mahin) ; Esmaeel Mehrabi (Faramarz)
Résumé : A Téhéran, une septuagénaire décide de braver tous les interdits et de provoquer une rencontre avec un homme afin de réveiller sa vie amoureuse.
Analyse : Un merveilleux petit film iranien, tendre, drôle, joyeux, qui vous donne le sourire tout au long de la projection, sauf à la fin qui ne peut être heureuse pour nous rappeler combien, dans ce pays, la liberté se paye cher. Mahin a soixante-dix ans. Elle s’ennuie dans son grand appartement de Téhéran qui a un petit jardin et une entrée indépendante des habitants de l’immeuble, ce qui est très utile quand on se sait observée par des voisines promptes à dénoncer le moindre écart à la loi islamique pour se faire bien voir des autorités. On la voit circuler tête nue dans son appartement, faisant ses courses avec un foulard qui laisse apparaitre des mèches grises de ses cheveux, n’hésitant pas à entrer toute seule dans des bars ou des restaurant peuplés uniquement d’hommes, s’opposant à la police des moeurs qui veut arrêter une jeune fille « pour quelques mèches qui dépassent » (triste rappel), bravant toutes les règles rigides imposées aux femmes par les mollahs. Elle reçoit chaque année ses vieilles amies, qui au cours d’un diner joyeux, rappellent leurs aventures amoureuses et parlent des hommes sans filtre, scène réjouissante et très drôle. Mahin souffre de sa solitude et rêve de rencontrer un compagnon. Avec un courage et une audace qui fait trembler, elle se met à draguer dans les lieux publics où elle a l’occasion d’aller. Quand elle tombe sur Faramarz, elle est comblée ; il est seul également, divorcé, ancien militaire, exerce la profession de chauffeur de taxi. Elle l’invite chez elle, en prenant toutes les précautions pour ne pas éveiller la curiosité des voisines. Ils passent tous deux une soirée inoubliable, au cours de laquelle ils boivent du vin, un jéroboam qu’un ami avait offert à Mahin au temps béni, avant 2005 date de la création de la police des mœurs, où les femmes pouvaient sortir tête nue, chanter, danser, boire un verre, se mêler aux hommes, goûter aux plaisirs simples de la vie. Tous deux rattrapent le temps perdu, se racontent leur passé, boivent beaucoup, chantent, dansent. Elle, porte de très belles robes, se maquille comme une fiancée à son premier rendez-vous. Une nuit d’ivresse pleine de promesses pour un avenir partagé qui éloigne leur peur de mourir seuls. S’ils se permettent de braver tous les interdits c’est qu’ils ont la tranquillité de ceux qui, arrivés à un certain âge, considèrent qu’ils n’ont rien à perdre. Ils sont terriblement touchants et émouvants. On passe en leur compagnie un moment délicieux. Ce film est une ode à la liberté, à la joie, à l’amour, aux femmes.
Le couple de cinéastes est d’un courage qui force le respect. Comme Jafar Panahi ou Mohammad Rassoulof, ils ont tourné dans la clandestinité un film insolent, éminemment critique sur la politique de leur pays : ils montrent des femmes sans hidjab, même dans l’espace domestique, des gens qui boivent, qui écoutent de la musique, des hommes qui vont chez des femmes seules qui osent les accueillir, qui dansent avec elles (traduisons, qui osent les toucher et s’approcher d’elles) alors qu’ils ne sont pas mariés, et surtout, horreur suprême, ils osent évoquer la sexualité et le désir d’une femme. Les autorités iraniennes ont évidemment réagi en leur confisquant leurs passeports, ce qui les a empêchés d’aller présenter leur film à la Berlinale 2024 où il a été sélectionné. Ils sont en attente d’un procès, menacés de prison pour « propagande contre le régime ». Triste pays !