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Auteur : Paul Verhoeven est un réalisateur et scénariste néerlandais de 77 ans, qui a 56 ans de carrière cinématographique. Son style est provocateur, ses thèmes favoris la violence et l’érotisme. Après avoir réalisé plusieurs films dans son pays, il part aux États-Unis poursuivre une carrière devenue internationale. On lui doit alors ses films les plus connus : La Chair et le sang, Robocop, Total recall et Basic instinct. Il passe vingt ans aux États-Unis puis revient dans son pays et réalise The blackbook en 2006. Après un silence de dix ans il réalise Elle, son premier film français.

Résumé : Elle, Michèle, est une femme de pouvoir, qui dirige d’une main de maître et avec beaucoup de maîtrise son entreprise de jeux vidéo et sa vie personnelle. Mais un soir, chez elle, elle se fait agresser et violer par un inconnu. Elle ne dit rien à personne, continue de vivre comme si de rien n’était mais « l’inconnu » ne perd rien pour attendre !

Analyse : Le film est inspiré du roman de Philippe Djian, Oh … (Prix Interallié 2012), l’auteur du fameux 37°2 le matin. Forçant le trait du personnage principal de Michèle, Verhoeven décline ses tendances préférées : la violence, l’ambiguïté, la perversité, l’érotisme sulfureux. Le film s’ouvre sur le viol d’une femme chez elle dans une maison cossue, sous le regard impassible de son gros chat. Sa réaction n’est pas celle que l’on pourrait attendre. Elle ne dit mot, continue de vivre comme si de rien n’était, comme si l’événement avait glissé sur elle sans laisser de traces. Elle se contente de prendre un bain après, seule la tâche de sang rouge vif affleurant à la surface de la mousse blanche du bain nous rappelant ce qu’elle a subit. Le réalisateur nous donne l’image d’une femme dominante, dynamique, volontaire, insubmersible, menant tout de front sans faiblesse, à côté d’hommes sans grand intérêt. Elle a su s’affranchir de tous les obstacles qui pèsent encore sur la condition des femmes. Mais son ambiguïté, sa perversité qui dominent tout le film, nous dévoilent ses failles. Son passé est lourd d’évènements traumatisants. Elle est notamment la fille d’un grand criminel, massacreur d’enfants. Elle navigue entre une mère névrosée qui ne veut pas vieillir, un fils qui se fait maltraiter par son amie, un ancien mari déprimé et un amant qui n’est autre que le mari de sa meilleure amie.

On aurait du mal à classer ce film. Thriller, certes, mais pas que. Verhoeven mêle très habillement les genres, ne se laissant enfermer dans aucune catégorie ; on rit aussi à des scènes très cocasses. C’est également une image désenchantée de la bourgeoisie française actuelle. Mais c’est surtout une étude subtile sur la frontière ténue entre le normal et l’anormal, l’innocence et la culpabilité, l’état de victime et celle de bourreau, vastes sujets pour les psychologues. On retrouve également le thème du déni, le plus caricatural étant son fils qui ne veut pas reconnaître que le bébé de sa petite amie n’est, à l’évidence, pas le sien.

Plusieurs actrices américaines ont refusé le rôle. Mais qui d’autre qu’Isabelle Huppert aurait pu incarner Michèle ? Elle rassemble dans ce personnage les héroïnes de sa filmographie, de la juge dans L’ivresse du pouvoir, à Maud dans Abus de faiblesse ou à la névrosée perverse d’Erika dans La pianiste. Elle sait magnifiquement aller au bout de la provocation que l’on connaît du réalisateur faisant de ce film à quatre mains, à la mise en scène précise et nerveuse (qui aurait certainement mérité un prix de la mise en scène à Cannes), une œuvre passionnante, puissante et habillement dérangeante.

One Comment

  1. Ce film que tu analyses si justement me le fait aimer surtout grâce à l’interprétation d’Isabelle Huppert Merci pour tes commentaires tjrs si justes et sensibles

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