PETIT PAYSAN

Auteur : Hubert Charuel est un réalisateur français né en 1985. Dans un premier temps il a travaillé dans le secteur de l’élevage laitier avant de s’orienter vers des études de cinéma. Diplômé de la Fémis (département « Production ») en 2011, son film de fin d’études, Diagonale du vide, est sélectionné dans plusieurs festivals, notamment celui de Clermont-Ferrand. Son second court métrage, K-nada, également sélectionné à Clermont-Ferrand, est primé au Festival Premiers Plans d’Angers en 2015. Son premier long métrage de fiction, Petit Paysan, a obtenu trois récompenses au Festival du film francophone à Angoulême, le Valois de diamant, le prix du meilleur acteur pour Swann Arlaud et le prix pour la musique du collectif Club Cheval.

Résumé : Pierre est un jeune paysan qui vit sur la ferme familiale avec ses parents dont il reprend l’exploitation. Tandis que les premiers cas de la maladie dite de la vache folle se déclarent en France, il découvre qu’une de ses vaches est malade. Ne pouvant se résoudre à tout perdre il va faire l’impossible pour sauver son cheptel.

Analyse : On a souvent vu ces reportages pathétiques montrant des éleveurs sonnés, hagards, les larmes aux yeux devant la destruction de leur bétail, œuvre d’une vie de travail. Hubert Charuel en a fait un film sensible, émouvant qui ne prétend ni polémiquer, ni prendre parti, ni démontrer, ni nous apitoyer, mais simplement nous faire participer à la vie de ce jeune paysan et rendre hommage à son sacerdoce. Film original sur un thème peu traité dans le cinéma français (même s’il n’est pas sans rappeler Raymond Depardon, mais dans un style délibérément différent). C’est un premier film, quasiment autobiographique. Hubert Charuel est le fils unique de paysans de la Haute Marne qui comptaient sur lui pour reprendre l’exploitation familiale. Il a préféré la Fémis. « Ce film est ma façon de reprendre l’exploitation ». Manière de se racheter aux yeux de ses parents, il a filmé dans la ferme familiale avec ses vaches et a employé dans le casting son père, sa mère, son grand-père remarquable dans le rôle d’un vieux voisin et quelques cousins. Ce n’est pour autant ni un documentaire, même si l’on assiste à un vêlage en direct, ni une comédie de mœurs, ni un drame paysan, même s’il y a un peu de tout cela. C’est une étude profonde sur la psychologie de ce paysan fou de douleur devant la maladie et la souffrance de ses vaches, fou de rage devant la rigidité de l’administration et des vétérinaires, dont sa sœur, fou de colère devant les décisions prises au nom du principe de précaution qui exigent la destruction totale du bétail. On bascule alors dans le thriller paysan lorsque Pierre, terrifié à l’idée de tout perdre, tombe doucement dans la psychose et la paranoïa en s’enfermant dans les mensonges, les fraudes et les illégalités pour tenter de sauver ses vaches. Car elles ne sont pas seulement une source de revenus ; il les aime tendrement. Elles sont son horizon, son quotidien, la nuit elles peuplent ses rêves, elles sont sa vie. « Je ne sais faire que cela » dira-t-il à sa sœur. Il n’a aucune vie sociale ou affective, et lorsqu’il accepte de voir ses amis, de diner avec la boulangère que lui destine sa mère, c’est afin de gagner du temps pour sauver son cheptel. Histoire d’une solitude face au drame qui se profile.

Ce premier long métrage est très maîtrisé et prometteur. Hubert Charuel nous offre un film d’une grande authenticité, sensible, poignant, remarquablement interprété (notamment par Swann Arlaud dans un magnifique premier rôle et Sara Giraudeau dans le rôle de la sœur vétérinaire). Un montage bien rythmé, une mise en scène efficace, l’utilisation subtile de la lumière naturelle et artificielle, font de ce film une œuvre attachante d’un cinéaste dont il faut retenir le nom.

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