TÉHÉRAN TABOU

Auteur : Ali Soozandeh est un directeur d’animation, chef décorateur, directeur artistique et réalisateur de nationalité allemande et d’origine iranienne. Il est l’auteur d’un documentaire (2012) Le printemps de Téhéran, L’histoire d’une révolution, sur l’espoir des jeunes dans les premières révoltes à l’approche des élections présidentielles de 2009. Téhéran Tabou est son premier long métrage de fiction, qui a été retenu dans la sélection La Semaine de la Critique à Cannes 2017.

Résumé : Téhéran aujourd’hui. Dans une société schizophrène dans laquelle le sexe, la corruption, la prostitution et la drogue coexistent avec les interdits religieux, trois femmes de caractère et un jeune musicien tentent de s’émanciper en brisant les tabous.

Analyse : Encore un film sur la situation de la femme dans le monde musulman, en l’occurrence dans la République islamique d’Iran. Pour prendre plus de distance avec le sujet et se permettre des propos osés et courageux, Ali Soozandeh a réalisé un film d’animation en utilisant le procédé de la rotoscopie qui consiste à filmer des acteurs sur un fond vert en studio et à ajouter ensuite les décors puis le dessin des personnages pour obtenir le plus de réalisme possible. Procédé qui avait été utilisé avec succès par Ari Folman dans Valse avec Bachir et par Jan Bultheel dans Cafard (voir la fiche sur ce film). C’est un film audacieux, très engagé de la part d’un iranien expatrié, qui entend briser les tabous politiques et religieux qui gangrènent la plupart des sociétés dans lesquelles la religion musulmane est religion d’État. Le réalisateur se concentre surtout sur les tabous qui touchent à la sexualité en suivant le destin de trois femmes et d’un jeune homme aujourd’hui à Téhéran. Une prostituée qui cache son métier à son entourage et qui se débat pour que son fils soit scolarisé, une femme marié qui voudrait s’émanciper de sa situation de femme au foyer et que son mari empêche de travailler et une jeune fille désespérée d’avoir perdu sa virginité avant son mariage. Mais les hommes ne sont pas épargnés, même s’ils sont généralement les bénéficiaires dans ce genre de société. Un jeune musicien n’arrive pas à faire découvrir sa musique au public car contraire aux principes de la religion, un autre ne peut vivre librement sa sexualité. Film édifiant sur l’hypocrisie et les frustrations de cette société, où des imams libidineux qui prêchent les interdits religieux entretiennent des prostituées et regardent des films pornos. Sexe, drogue, prostitution, souteneurs violents, alcool, mensonges, corruption, c’est un terrible pamphlet sur la schizophrénie de la société iranienne actuelle. Tout est tabou, tout doit être caché mais tout se fait. Et les femmes sont naturellement les premières victimes de cette dictature religieuse et morale. Un film fort, très cru, sans concession et profondément triste mais qui comporte des respirations car le réalisateur arrive à nous faire rire de certaines situations. Un film à voir car il faut encourager ce genre de cinéma subversif et salutaire.

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