BORDER

Auteur : Ali Abbasi, né en 1981 à Téhéran, est un scénariste, réalisateur et monteur danois d’origine iranienne. Il est l’auteur d’un court métrage, M for Markus (2011) et de deux longs métrages, Shelley (2016) qui a été nominé pour plusieurs prix dans des festival internationaux dont la Berlinale, et Border qui a gagné à Cannes 2018 le prix Un Certain regard.

Résumé : Tina, douanière à l’efficacité redoutable, est connue pour son odorat extraordinaire. C’est presque comme si elle pouvait flairer la culpabilité d’un individu. Mais quand Vore, un homme d’apparence suspecte, au physique très proche du sien, passe devant elle, elle reconnaît un alter ego. Elle sait que Vore cache quelque chose, mais n’arrive pas à identifier quoi. Elle ressent, malgré cela, une étrange attirance pour lui. Débute alors une quête vers la vérité de ses origines.

Analyse : Border est un film hors norme ; le plus étrange, le plus transgressif, le plus poétique, le plus dérangeant, le plus fascinant qu’il m’ait été donné de voir ces derniers temps. Avec une grande intelligence Ali Abbasi nous offre une réflexion sur la frontière. Frontière entre l’animalité et l’humain, la monstruosité et la normalité, le bien et le mal, la réalité et le fantastique, le masculin et le féminin ; réflexion également sur le problème de l’identité, du secret des origines, de la quête de soi, de l’intégration, sur les apparences qui cachent plus de turpitudes qu’il n’y parait. Avec beaucoup de maîtrise le réalisateur a également brouillé les frontières du genre, entre polar, fable sociale, histoire d’amour, film d’horreur, film fantastique. Film riche et puissant. Tina est apparemment une humaine au physique monstrueux de néandertalienne, d’une grande laideur. Elle est dans le service des douanes, où tel un chien renifleur, elle sent non seulement ceux qui transportent des substances illicites, mais également les sentiments de honte, de culpabilité, de peur de ceux qui ont quelque chose à cacher. Un jour, parmi les voyageurs elle arrête un homme qui est son double masculin, aussi monstrueux qu’elle, mais sans son talent. Nait entre eux une étrange relation qui se concrétise par un accouplement dantesque, tellurique, sauvage, dérangeant et fascinant de laideur où l’homme a un vagin et la femme un pénis. Ils font corps avec une nature merveilleuse dans laquelle ils ont leur place, comme les premiers hommes, à la limite de l’humain. Dans une mise en scène sensuelle, lyrique et poétique on reste fascinés et troublés par de magnifiques courses dans la forêt où, nus, ils se poursuivent en jouant avec des grognements de bêtes, par de bienfaisantes baignades dans un lac limpide. Les mythes et les légendes se mélangent à une réalité qui vacille. Les monstres ne sont pas ceux qu’on croit. Des humains qui ont l’air propres et normaux sont en fait de vrais monstres alors que ceux qui en ont l’apparence ont une beauté d’âme et plus d’humanité. Idée qui n’est pas originale mais qui est habillement menée.

Border a l’audace de déranger nos idées reçues, notre sens de l’esthétique, n’hésitant pas à nous faire trouver la beauté dans ce qui est étrange, moche et disgracieux.

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