LES INVISIBLES

Auteur : Louis-Julien Petit, né en 1983 à Salisbury, est un réalisateur et scénariste français. Diplômé de l’École supérieure de réalisation audiovisuelle, il a travaillé pendant plus de dix ans comme assistant à la mise en scène sur une trentaine de longs-métrages, notamment avec Luc Besson. Il écrit et réalise plusieurs courts-métrages, notamment Bande Démo, primés dans de nombreux festivals. Son premier long-métrage, Discount, (2014), sur le gaspillage dans la grande distribution, a remporté le Valois du public au Festival du film francophone d’Angoulême. Son deuxième long métrage (2015), Carole Matthieu, traite du mal-être au travail.

Résumé : Suite à une décision municipale, l’Envol, centre d’accueil pour femmes SDF, va fermer. Il ne reste plus que trois mois aux travailleuses sociales pour réinsérer coûte que coûte les femmes dont elles s’occupent : falsifications, pistons, mensonges… Désormais, tout est permis !

Analyse : Elles sont invisibles ces femmes des rues. On passe devant elles en tournant la tête, sans les regarder de peur qu’elles fassent l’aumône ; elles mettent mal à l’aise, on ne veut pas voir, pas savoir. C’est à elles que Louis-Julien Petit consacre son troisième long métrage. Mais pas seulement. Le réalisateur rend également hommage à celles qui sacrifient leur temps, leur confort, leurs moyens, souvent leur vie de famille, pour les aider, dans un film plein de tendresse, d’humour et d’émotion. Dans ce centre d’accueil ces femmes retrouvent une certaine dignité et nous découvrons des personnalités très attachantes, dont certaines n’ont pas toujours connu la rue. Elles ont été psychanalyste, aide-soignante, agent de sécurité ou rien du tout mais elles sont toutes remarquables, pleines d’humour, de joie et dans l’ensemble assez coquettes et coquines. Le réalisateur, dans ce film qui mélange fiction et documentaire, car beaucoup d’entre elles jouent leur propre rôle, nous offre avec empathie et bienveillance, sans aucun misérabilisme ni aucune moquerie, des moments de chaleur et d’humanité, de franche rigolade, où l’entraide et l’amitié sont de vrais remèdes au tragique de la vie. Elles pratiquent l’autodérision en empruntant l’identité de personnalités féminines comme surnom : elles sont Brigitte Bardot, Lady Di, Brigitte Macon, Édith Piaf ou Simone Veil. Leur arme contre la morosité de la vie : l’humour. Ce n’est sans doute pas un hasard si le réalisateur a choisi de s’intéresser à des femmes car c’est chez elles qu’on peut trouver, de façon communément partagée, le courage, le sens de l’humour comme arme contre l’adversité. Ces laissées pour compte ne sont pas des délinquantes, même si l’une d’entre elles a connu la prison pour meurtre d’un mari trop violent, même si elles tombent parfois dans le paradis facile de l’alcool ou de la drogue ; ce sont des femmes abîmées, dans une grande solitude, mais dignes, ce qui les rend terriblement émouvantes.

Même si le film est loin d’être parfait d’un point de vue cinématographique avec quelques longueurs et une mise en scène qui paraît parfois un peu brouillonne, ces faiblesses sont très mineures face à une œuvre juste, forte et nécessaire qui met en lumière l’incapacité de notre société à prendre en charge le grave problème des femmes de la rue.

« J’ai eu envie de faire un film solaire et porteur d’espoir dont le cœur serait le groupe, la cohésion et l’entraide face à l’adversité » nous dit le réalisateur. C’est réussi.

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