THE HAPPY PRINCE

Auteur : Rupert Everett, né en 1959, est un acteur anglais. Après quelques apparitions télévisées, deux courts métrages et un premier long métrage, c’est en 1984 qu’il rencontre pour la première fois le succès à l’écran en incarnant un étudiant homosexuel dans le film Another Country de Marek Kanievska, rôle qu’il avait déjà interprété sur scène. En 1985, il joue dans le film de Mike Newel(Dance with a Stranger). Dès 1986, sa carrière prend un envol international : il est dans Duo pour une soliste de Kontchalovski et en 1987 dans Chronique d’une mort annoncée de Francesco Rosi. La même année Everett partage la vedette avec Bob Dylan dans Hearts of Fire et multiplie les rôles à l’international, en Italie, en France et aux États-Unis. En 1996 son rôle dans le Mariage de mon meilleur ami lui permet de revenir sur le devant de la scène. L’acteur tourne ensuite successivement dans trois films aux distributions brillantes et se transforme aussi en méchant Dr Mad dans Inspecteur Gadget de David Kellogg. Il n’a jamais cessé de tourner dans des rôles plus ou moins importants, principalement en France et en Italie. En 2018 il réalise son premier film The Happy Prince.

Résumé : À la fin du XIXe siècle, le dandy et écrivain de génie Oscar Wilde, intelligent et scandaleux brille au sein de la société londonienne. Son homosexualité est toutefois trop affichée pour son époque et il est envoyé en prison. Ruiné et malade lorsqu’il en sort, il part s’exiler à Paris. Dans sa chambre d’hôtel miteuse, au soir de sa vie, les souvenirs l’envahissent…

Analyse : Rupert Everett, qui a été le sex-symbol gay des années 1980, ostracisé par Hollywood, du fait, pense-t-il, de son homosexualité, a déjà incarné Oscar Wilde au théâtre, sur les planches londoniennes, dans la pièce The Judas Kiss. Il a voulu compléter et parfaire cet hommage en réalisant ce film, avec lui-même dans le rôle du grand auteur déchu. Il n’a pas choisi les heures de gloire de celui qui a été un des esprits les plus flamboyants de l’Angleterre victorienne, que la société a adulé, particulièrement après son magnifique Le portrait de Dorian Gray, et qu’elle a voué aux gémonies après un procès infamant dans lequel elle l’a condamné sévèrement au bagne pendant deux ans, puis à l’exil, en raison de la révélation de son homosexualité. L’acteur n’a pas choisi non plus de nous montrer comment cet épisode douloureux de la vie d’Oscar Wilde avait influencé sa création artistique, mais plutôt de nous dépeindre sa fin de vie en exil à Paris, où pauvre vagabond, vieilli prématurément, il mourra à 46 ans dans le dénuement et la misère. C’est un portrait intelligent, attachant et magnifique, interprété parfois avec une certaine emphase, que nous offre cet acteur talentueux. Une reconstitution fidèle de ce passé, et l’impression de vérité qu’il dégage dans la survie désespérée, élégante et pathétique de ce grand homme humilié qui manifeste, en se vautrant dans les excès d’alcool, les passions amoureuses et la vie dissolue, une terrible soif de vivre. On appréciera la précision d’une mise en scène, certes classique, mais exigeante et méticuleuse qui change les ambiances, les décors, les lumières, les couleurs, selon les pays dans lesquels Oscar Wilde évolue, de Londres à Naples à Paris. La séquence italienne, très viscontienne, rappelle Mort à Venise particulièrement dans les dernières scènes de ce film lorsque le magnifique Tadzio se baigne au loin sur la plage devant un Gustav Von Aschenbach subjugué et écrasé par tant de beauté. Everett s’est incontestablement emparé de son sujet avec beaucoup d’amour et de respect pour le grand homme qu’il incarne, ce qui force notre propre respect. Tout le film est rythmé par le conte The Happy Prince and Other Stories qu’Oscar Wilde racontait à ses enfants pour qu’ils s’endorment, histoire du souverain qui sacrifie sa splendeur dans l’espoir d’alléger les souffrances de ses sujets. Certes, cette première réalisation n’est pas exempte de défauts de «jeunesse». Les constants flashbacks sont parfois désordonnés et peuvent semer la confusion entre un présent et des souvenirs qui émergent. Mais cela n’ôte rien à un film profond qui, au-delà d’un biopic, dénonce efficacement l’homophobie et l’intolérance, qui ne sont pas, hélas, seulement du passé.

Laisser un commentaire