LA FLOR (première partie)


Auteur : Mariano Llinás né en 1975, est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur argentin. Il est associé au renouveau du cinéma argentin pendant les années 2000. Après des études à la faculté de cinéma de Buenos Aires, il réalise – sans passer par les circuits classiques – Balnearios (2002), documentaire expérimental et ironique autour des principales stations balnéaires argentines, lauréat d’un Condor d’argent. En 2008 son film Historias extraordinarias, en trois parties, a une grande répercussion critique et obtient plusieurs prix, dont deux au Festival international du cinéma indépendant de Buenos Aires. En 2011, la Fondation Konex désigne Mariano Llinás comme l’un des sept plus importants réalisateurs argentins des années 2000. Il enseigne à la faculté de cinéma de Buenos Aires. Il est scénariste pour plusieurs films dont Le Ciel du Centaure de Hugo Santiago (2015), Paulina (2015) et El Presidente (2017) de Santiago Mitre. En 2016, il présente son nouveau film, particulièrement ambitieux, La Flor. Il remporte le prix du jury au Festival Biarritz Amérique latine en 2018 et a été présenté au Festival de Locarno 2018.

Résumé : Ce film s’étale en six épisodes qui ont un seul point commun, leurs quatre comédiennes, et qui sont tous d’un genre différent. Le premier se présente comme un film de série B américain, fantastique et inquiétant. Le second est un mélodrame musical avec une pointe de mystère. D’un épisode à l’autre, La Flor change radicalement d’univers, et chaque actrice passe d’un monde à l’autre, d’une fiction à un autre, d’un emploi à un autre, comme dans un bal masqué.

Analyse : Ce film est un objet cinématographique non identifié. À plus d’un titre. Tout d’abord par sa longueur : 14 heures tournées en un peu plus de 10 ans. Ensuite parce qu’il prend la forme d’une série en six épisodes mais qui ont la particularité de n’avoir aucun lien entre eux. Il s’agit en réalité de six films différents. La première vision concerne les épisodes 1 et 2. Le premier nous emmène dans un centre d’archéologie, perdu dans la pampa, tenu par des laborantines, qui reçoit à la veille de vacances, en dehors de toutes les procédures ordinaires, une momie quetchua qui s’avère être dotée de pouvoirs étranges et prend possession d’un chat noir tueur et d’une laborantine, restée pour la surveiller, en lui donnant des forces surhumaines. Épisode sur le mode d’une série B d’horreur américaine des années 50. Des bruits sinistres et variés accompagnent cet épisode.  Un irrationnel qui captive et distille l’angoisse. Le second épisode est un drame musical, plus accompli que le précédent, l’histoire d’une chanson qui n’arrive pas à s’enregistrer en raison de la séparation du couple de chanteurs. C’est un drame fort et terrible car les paroles violentes, simples et efficaces reflètent la profondeur du déchirement de leur séparation. De magnifiques flash-back en noir et blanc nous racontent leur vie amoureuse passée. En parallèle, comme un cheveu sur la soupe, on suit les agissements d’une société secrète qui cherche à s’emparer de l’élixir de jouvence tiré du venin d’un scorpion. Ils feront leur apparition dans le milieu musical en toute fin d’épisode. Pourquoi ? Y aura-t-il une suite ?

C’est un objet cinématographique original également car Mariano Llinás raconte des histoires au spectateur comme on les raconte aux enfants le soir. Et il faut se laisser emporter par le récit. Au début du 1er épisode le réalisateur tente de nous expliquer sa démarche. Assis à une table de jardin il nous explique, de manière surréaliste, les six épisodes qui se terminent ou pas, se rejoignent ou pas, en les dessinant sous forme de fleur avec des pétales ouverts (voir l’affiche du film). Tout parait simple, mais la réalité est bien différente. C’est une profusion d’images, des récits emmêlés les uns aux autres avec des digressions, des voies de traverse. Le réalisateur se plait à jongler avec les genres ; on passe du fantastique au polar au musical. On parle plusieurs langues (catalan, italien, français notamment, quetchua probablement). Mais le point commun à tous ces épisodes (ceux déjà vus et à venir) c’est le formidable quatuor d’actrices, venues toutes les quatre du théâtre (Elisa Carricajo, Valeria Correa, Pilar Gamboa et Laura Paredes). Elles changent de rôle mais sont omniprésentes tout au long du film, donnant de la femme une image très positive : elles prennent leur vie en main, sont indépendantes, responsables, libres.

Certes le spectateur assidu de séries ne devrait pas être surpris. Mais même si ce n’est pas le cas, comme moi, c’est avec impatience qu’on attend la suite.

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