Une Vie cachée

Auteur : Terrence Malik, né en 1943, est un réalisateur, scénariste et producteur américain. Il suit des études de philosophie qu’il enseignera par la suite, se spécialisant dans l’étude des textes de Kierkegaard et Heidegger. En parallèle, il s’inscrit à un cours de cinéma et sort diplômé du Center for Advanced Studies de l’American Film Institute en 1969. Il réalise en 1973 un premier long métrage La balade sauvage. Suit Les Moissons du ciel qui lui vaut le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 1979. Après vingt ans de silence il réalise La ligne rouge en 1998, puis The Tree of Life qui reçoit la Palme d’or à Cannes 2011. De 2011 à 2016 il réalise 4 longs métrages et un documentaire qui ont des succès très mitigés. Une Vie cachée a été présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2019. Il a obtenu le Prix du jury œcuménique.

Résumé : En 1939 Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de se battre aux côtés des nazis et de faire allégeance à Hitler. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est condamné à la peine capitale. Il pourrait se renier et retrouver la liberté mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa femme, Fani, et ses enfants, il reste inflexible. Il a été béatifié en 2007 par le pape Benoit XVI, considéré comme martyr. 

Analyse : Après quelques films assez mineurs, c’est le retour du grand Malik , celui de The Tree of life, qui revient à ses fondamentaux. Cette fois sa narration part d’un fait historique, l’histoire d’un héros inconnu. Le début du film est très doux, une symphonie bucolique du monde paysan du Tyrol autrichien. Une famille heureuse et aimante, de beaux enfants, en harmonie avec la nature. La vie est rythmée par les travaux des champs dans ces paysages de vergers entourés de montagnes d’une époustouflante beauté. Mais la guerre gronde et Franz doit partir. Malgré l’enjeu important qui le dépasse puisque la vie de sa femme et de ses trois petites filles en dépend, il oppose un « non » obstiné aux nazis, ne voulant pas faire allégeance à Hitler. Il refuse toute compromission, toutes les propositions très accommodantes qui lui sont faites (il sera dans un hôpital, pas au front). C’est un véritable acte de foi. Libre dans son âme il ne veut pas pactiser avec le diable. Son acte l’isole, lui et sa famille. Les voisins, peu nombreux de cette bourgade champêtre les ignorent quand ils ne les insultent pas, l’Église leur tourne le dos en incitant Franz à la soumission. 

La certitude de Franz pose de multiples questions. Peut-on rester libre en se compromettant en actes mais non par l’esprit, question qu’avait posée Martin Scorsese dans Silence (2016) et à laquelle il a donné une réponse diamétralement opposée ? Est-on libre de décider lorsque la vie d’autres est engagée ? Quel est le sens de cette résistance quand elle n’a aucune portée politique, quand elle ne change pas le monde ni le cours de la guerre comme il lui a été souvent dit ? Est-ce orgueil ou résistance ? Franz interroge également le silence de Dieu qui semble n’être d’aucun secours sur terre, question que tout croyant se pose face au mal absolu. 

Ce film plein d’émotions parle à l’âme. C’est un sujet fort autour de la désobéissance, un hymne à la résistance, à l’insubordination, au libre-arbitre, au sens moral, au courage, qui pose la question métaphysique des voies du Bien et des ruses du Mal. 

Le rythme du film, la virtuosité de sa mise en scène, ses cadrages, ses décors, ses plans qui sont des tableaux portés par une musique sublime comme La passion selon Saint-Matthieu de Bach ou le Miserere d’Arvo Pärt, tout ramène à la foi inébranlable de Franz et de sa famille. Une nature sublime et sublimée par la caméra de Malick, baignée de lumière, d’une beauté à couper le souffle qui amène à se demander si l’espoir, la grâce, ne seraient pas dans cette beauté. Des voix off se superposent tout au long du film, essentiellement les lettres échangées par Franz avec sa femme Fani pendant sa détention. Visuellement époustouflant, d’une grande élévation, ce film atteint des sommets de spiritualité. Ce n’est pas un film pour croyants mais pour tous ceux qui croient en la beauté, en la liberté, en la libre conscience et qui comprennent le sacrifice de soi pour une cause que l’on sait juste. C’est une œuvre majeure, bouleversante, un véritable chef d’œuvre.

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